condition de tous les actes spirituels. Le mouvement est soumis à des lois fixes, et, pour la science contemporaine, une de ces lois est la conservation d’une quantité égale de force ou d’énergie, c’est-à-dire d’une quantité égale de mouvement actuel ou virtuel. De même que l’analyse chimique établit la permanence d’une égale quantité de matière, l’analyse physique établit la permanence d’une égale quantité de force ; telle est du moins l’affirmation sur laquelle est fondée la physique moderne. La physiologie démontre de plus en plus que les phénomènes des corps vivants obéissent aux lois de la physique. Le corps humain est compris dans l’ensemble du mouvement universel ; ses mouvements propres ne sont jamais que la transformation, à quantité égale, des forces qu’il reçoit du sol, de l’atmosphère, du soleil ; il ne peut rendre que ce qui lui a été donné. Des mouvements centripètes vont des sens à l’encéphale, et des mouvements centrifuges vont de l’encéphale aux membres ; mais tous les mouvements de l’organisme qui est le théâtre de ces phénomènes ont leur équivalent dans les mouvements physiques externes qui ont amené sa formation et contribuent à son entretien. Un esprit étranger aux découvertes scientifiques dira : « Je veux, et mon bras se lève ; je crée un mouvement qui n’existerait pas sans l’acte de ma volonté. » Mais, pour la science contemporaine, le mouvement de mon bras, ne peut représenter qu’une partie de la force que j’ai reçue de la nourriture, de la respiration, de l’insolation. Je ne peux pas plus créer un mouvement que je ne pourrais créer un atome de matière. Dans un système de corps en mouvements, tout est déterminé par les lois de la mécanique. Pour qu’une modification quelconque intervienne, il faut une force. Or une force n’est jamais qu’un mouvement actuel ou virtuel. Si le principe de la constance de la force est admis, il en résulte donc que tout est déterminé d’une façon nécessaire dans les mouvements du corps humain, comme dans ceux de tous les autres corps. Mais les phénomènes spirituels ont toujours pour condition, soit de leur existence, soit de leur manifestation, le mouvement de la matière. Donc la distinction des phénomènes physiques et des phénomènes psychiques peut bien subsister ; mais les phénomènes psychiques sont absolument déterminés, aussi bien que leur condition matérielle. Donc enfin, l’affirmation de la liberté est une illusion, puisque l’exercice de la liberté détruirait le déterminisme universel des phénomènes. Le conflit de la physique et de la morale devient ainsi manifeste. En effet (c’est un sujet sur lequel il serait superflu de s’étendre longuement), l’existence de la liberté est le fondement de la morale. Si la liberté n’existe pas, le devoir ne peut exister et la responsabilité non plus. Les lois
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naville. — la physique et la morale