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espinas. — philosophie expérimentale ex italie

De Mantoue, le jeune philosophe se rendit à Bologne, où il trouva, comme on le pense, un milieu favorable au développement des idées qu’il avait reçues de son premier maître. Là, il suivit les leçons de M. Pietro Ellero, publiciste éminent, qui a fondé et entretenu presque seul pendant plusieurs années (1861-1865) un journal intitulé l’Abolition de la peine de mort, auteur de plusieurs livres fort remarqués en Italie sur les questions sociales et le droit criminel. Il entendit aussi les conférences de Angelo Marescotti, professeur d’économie politique à lUniversité, conférences publiées depuis sous le titre de l’Économie politique étudiée par la méthode positive (Bologne, 1878), œuvre sensée, mais qui ne brille d’ailleurs ni par l’ampleur ni par la précision des vues. M. Angiulli n’était pas encore parti pour Naples[1]. Toutes ces influences se réunissaient pour porter les vues d’un esprit déjà acquis au positivisme vers les sciences sociales. M. Enrico Ferri, en possession d’un système philosophique très-arrêté, libre de toute attache, appliqua ses principes à la solution du double problème de la liberté et de la responsabilité humaines ; les conclusions de l’auteur se lisent sur la couverture du livre : La théorie de la responsabilité et la négation du libre arbitre. Son but est de montrer que la responsabilité subsiste et que les lois pénales restent applicables, le libre arbitre écarté.

Un grand nombre d’idées originales, une netteté résolue dans la pensée, de la finesse dans la polémique, un plan très-simple et très-rationnel, tels senties mérites de ce livre ; un excès d’enthousiaste, un accent parfois provoquant et acerbe, une surabondance inouïe de citations, telle que le cours de la démonstration est à chaque instant suspendu par les mille détours que fait la pensée de l’auteur à la suite de ses adversaires ou de ses guides, tels en sont les défauts. Ce n’est pas un livre, c’est presque une bibliothèque ; et, avec tout cela, une incontestable personnalité intellectuelle s’y fait jour.

Dans une première partie qui occupe les deux tiers de l’ouvrage, Enrico Ferri démontre que le libre arbitre n’existe pas ; dans une seconde, il soutient que la responsabilité demeure, malgré les conclusions des chapitres précédents. En raison des proportions de ces deux parties, il semble que le but de l’auteur soit plutôt d’établir la fausseté de la croyance commune au libre arbitre que de maintenir

  1. M. G.-B. Ercolani, professeur à l’Université de Bologne, secrétaire de l’Académie des sciences, dit de lui-même, dans une lettre à l’Opinione du 28 janvier 1877, qu’il appartient depuis ses premières années à l’école expérimentale et positive, et que, comme naturaliste, il se défie beaucoup de la philosophie. Parmi les savants faisant profession publique de doctrines évolutionnistes, on doit compter encore M. Tommasi, professeur de médecine à Naples, sénateur. Voir la Revue européenne, juin 1877.