Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, VI.djvu/648

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
638
revue philosophique

l’existence de l’âme. Celle-ci ressent des sentiments et des désirs. Toute étude psychique commence pour l’homme par celle de son âme personnelle. Or les passions se reflétant dans la physionomie, se traduisant par des gestes, surtout chez ceux qui n’ont pas la force de les contrôler, deviennent la clef des âmes d’autrui. Car souvent chez l’observateur, les passions se suivent rapidement et s’entrechoquent, ce’ qui rend vague toute observation. Mais examinons un peu la grosse question du moi sur lequel repose la personnalité.

Tous les moi sont égaux : les différences ne viennent que dans des circonstances spéciales qui s’y ajoutent. Kirchmann s’insurge contre toute théorie substantialiste en disant que l’âme n’est qu’une forme de la pensée ; que la simplicité n’existe que dans le moi ; que dans l’âme subsistent différents états simultanées qui paraissent et disparaissent en même temps ; que ceux-ci sont reliés à une unité ; mais que unité et simplicité sont différentes. C’est bien le moi qui donne au contenu varié de l’âme l’unité.

La distinction entre le corps et l’âme qui se rattache à cette question a été débattue par toutes les écoles, et a donné lieu à deux opinions opposées : savoir le dualisme et le monisme.

Le matérialisme moderne a voulu prouver l’identité des états spirituels avec les modifications qu’éprouvent le cerveau et la moelle épinière ; mais il confond l’identité avec la causalité. Or le dualisme ne nie point celle-ci ; et cette causalité admise exclut la thèse matérialiste.

Kirchmann, en somme, conclut au dualisme, sans nier la possibilité du système opposé, dont cependant les preuves nous font défaut.

Le réalisme paraît pencher à l’idée d’extinction simultanée du corps et de l’âme, vu l’impossibilité de prouver scientifiquement l’immortalité. Par conséquent, Kirchmann relègue dans le domaine de la pure fantaisie les manifestations « spiritualistes ».

Philosophie des actions humaines[1]. — Les sentiments de plaisir ou de douleur agissent sur l’âme et le corps, et éveillent l’idée de satisfaire l’un, ou de diminuer l’autre. — Le but que se proposaient les philosophes grecs, le plus grand bien, qui se rattachait à la fois aux sentiments de plaisir et à l’idéal de la morale, n’était point pratique. Kant a bien fait de les séparer. La morale doit restreindre le rôle du plaisir. Or, chez les hommes, il y a une tendance à vouloir produire le plus possible avec le moins de dépense possible. Il en résulte la répartition du travail selon les aptitudes. C’est ce fait qui est l’objet de l’économie politique. C’est sur elle que repose le bonheur matériel de toute nation. Mais c’est la morale qui doit guider cette science aussi bien que l’activité scientifique de l’homme en général.

Les sentiments d’estime sont des sentiments moraux qui naissent à la vue d’un phénomène naturel, qui témoigne d’une force tellement

  1. Katechismus der Philosophie, p. 141, 195.