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qui expliquerait leur caractère objectif. Ses explications sur ce sujet (Cf. p. 119. etsuiv.) sont vagues et insuffisantes, et, par suite d’un fâcheux oubli que l’auteur promet de réparer (p. ix), la théorie même des Gemeingefühley essentielle pour la solution de la question, est complètement absente. En attendant de nouveaux renseignements, nous réservons notre opinion.

La seconde confusion reprochée à M. Horwicz nous paraît aujourd’hui plutôt un défaut de méthode qu’une erreur de fait. M. Horwicz distingue le sentiment (Gefühl) du désir (Begehren), tout en leur assignant pour origine commune la sensation-mouvement (Empfindung-Dewegung) ; il ne méconnaît pas non plus que l’amour, l’orgueil, le patriotisme, etc., peuvent être rangés parmi les désirs ou passions ; mais, comme ces désirs et ces passions sont non-seulement accompagnés invariablement de sentiments de plaisir et de peine, mais encore dérivent de sentiments et y retournent, il a cru pouvoir en traiter immédiatement, du moins en partie, avec les sentiments proprement dits. Pour notre part, nous aurions préféré en voir ajourner l’étude après celle de la volonté : il y a un réel inconvénient à scinder ainsi des explications qui valent surtout par l’enchaînement et l’unité.

III. — Analyse particulière des sentiments. — La partie la plus considérable du volume de M. Horwicz et celle qui en constitue le mérite principal est l’étude spéciale des divers sentiments. Quelque jugement que l’on porte sur les vues systématiques de l’auteur, on doit reconnaître qu’il a témoigné dans cette étude de beaucoup de justesse, et souvent de profondeur d’observation. On doit surtout lui savoir gré de ne s’être pas contenté d’une description superficielle des faits sensibles, mais d’avoir cherché à montrer dans chaque cas particulier l’application de ses principes généraux. La tentative n’est pas invariablement heureuse, mais les remarques ingénieuses et les hypothèses plausibles ne sont pas rares. D’ailleurs la marche suivie est toujours à peu près la même : après avoir indiqué les subdivisions naturelles de chaque groupe de sentiments, l’auteur détermine les caractères spécifiques de ceux-ci, les circonstances dans lesquelles ils se produisent, leur rôle dans l’économie vitale, puis il essaye de démêler les causes profondes de tel plaisir ou de telle peine sui generis en les ramenant à l’excitation d’un nerf ou à une activité psychique équivalente (Reiz-äquivalent) ; car, à mesure qu’on s’élève dans l’échelle des sentiments, ils deviennent de plus en plus complexes dans leurs causes comme dans leurs effets, et, pour expliquer les sentiments supérieurs, souvent ce n’est pas au fonctionnement d’un seul nerf, mais à tout un ensemble d’excitations, d’émotions et de sentiments inférieurs qu’il faut avoir recours. La vie, dit M. Horwicz (p. 467), est une symphonie grandiose où un thème simple est constamment répété, mais avec des variations de plus en plus compliquées et une instrumentation de plus en plus large.

Ha été suffisamment question des simples sensations « sensorielles ».