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analyses. — horwicz. — Psychologische Analysen

dère la vie humaine comme un fleuve puissant dont les sentiments forment le courant principal ; les facultés intellectuelles sont les tourbillons et les courants secondaires qui se jouent à la surface (p. 2). Le premier volume étudiait la marche générale du fleuve et les sources d’où il découle ; le second esquissait les phénomènes, en quelque sorte superficiels, de la pensée ; dans la troisième, la sonde de l’analyse pénètre plus profondément dans la masse des eaux et cherche à atteindre le fond même de la vie sensible. En présence de la richesse du sujet et de l’abondance des renseignements accumulés, nous sommes obligé de nous en tenir dans ce compte rendu à trois ou quatre points essentiels, en renvoyant le lecteur pour les détails à l’ouvrage même. Disons tout de suite que M. Horwicz, dans la disposition et la mise en œuvre des matériaux, n’a rien fait pour faciliter notre tâche ; en particulier, l’élucidation des questions de principe a été scindée en deux parties dont Tune se trouve en tête du présent volume, et l’autre a été renvoyée au suivant ; dans ces conditions, il est bien malaisé de saisir la pensée entière de l’auteur, et la critique la plus impartiale risque de porter sur plusieurs de ses opinions un jugement prématuré[1].

I. — Nature et causes du plaisir et de la douleur. — Les sentiments sont les faits de plaisir et de peine de l’âme ; il importe donc, avant d’entrer dans le détail de leur évolution, de se demander ce qui constitue au juste le plaisir et la douleur. M. Horwicz nous a promis ici même (Rev. Phil., avril 1877) d’aller « beaucoup plus loin » dans cette analyse qu’il ne l’avait fait dans son abrégé de l’Histoire naturelle des sentiments. Nous ignorons si les volumes subséquents réaliseront cette promesse ; les résultats contenus dans celui-ci ne nous paraissent pas tout à fait satisfaisants. On en jugera par les indications suivantes.

L’auteur se place d’abord sur le terrain des sentiments les plus simples, les sentiments sensoriels, et en demande l’explication à la physiologie. D’après les derniers travaux et les hypothèses de Wundt, les deux éléments du système nerveux (les tubes et les cellules) sont constamment le théâtre d’un double travail chimique (moléculaire) : un travail négatif et de réparation qui consiste dans la formation de composés albuminoïdes très-complexes, et un travail positif ou de dépense qui consiste dans leur réduction en combinaisons plus simples (lécithine, cérébrine et autres corps gras). Dans l’état de repos, ces deux travaux, accompagnés de courants électriques inverses, existent simultanément et se font à peu près équilibre ; l’excitation d’un nerf a pour effet de faire prédominer, suivant les cas, l’une ou l’autre oscillation

  1. Nous n’insistons pas davantage à cause de l’aveu dépouillé d’artifice que nous trouvons dans la préface : « On a reproché aux premiers volumes de mes Analyses psychologiques un manque de précision dans l’exposition, et je prévois une critique analogue pour celui-ci… Cependant, dans un cas où il s’agit de soumettre les résultats obtenus à l’examen attentif des gens du métier, c’est peut-être la bonne méthode d’exposer en général ses recherches comme on les a conduites. » (P. 9.)