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mauvaises. L’optimisme approuve l’histoire en elle-même, et s’il l’explique c’est pour la justifier en se réfugiant sans cesse dans l’asylum ignorantiæ construit à l’usage de sa théologie et de sa téléologie. Le pessimisme exagère les responsabilités, l’influence secrète des motifs mauvais, et il passe sous silence ou même refuse assez souvent de reconnaître dans l’histoire les traces de l’idéal ; l’optimisme au contraire embellit le mal et retouche le monde dans le sens de l’idéal. Le pessimisme enfin attend tout de l’avenir et n’estime le présent qu’autant qu’il est affranchi des grossières erreurs du passé ; l’optimisme hausse le passé et le présent au niveau de l’idéal, bien que pour l’entière satisfaction de ses vues il soit obligé, lui aussi, d’en appeler aux perfectionnements de l’avenir. »

On voit dans quelle mesure et en quel sens M. Mayr peut être taxé de pessimisme. Le pessimisme absolu serait la négation de la vie ; nul ne repousse cet état d’esprit avec plus de netteté que lui, car l’action individuelle ou populaire repose sur la volonté de vivre. Aussi, quel que puisse être le bien fondé de la doctrine en métaphysique (et ici comment affirmer ?), M. Mayr veut que dans la pratique le pessimisme se change en optimisme par la volonté de combattre le mal (p. 205). Il n’y a point là de contradiction, puisque M. Mayr ne préjuge point l’avenir absolu des choses, mais se contente d’affirmer, au nom de l’expérience historique, l’existence d’un progrès humain, forme de l’évolution totale, et la puissance partiellement directrice, réformatrice, de toute volonté instruite par le passé, éclairée par les sciences sur les conditions d’une organisation sociale toujours meilleure. Si en définitive l’idée n’épuise pas l’essence de l’être, dirait-il, au moins en est-elle la manifestation la plus haute et la seule aimable.

L’ouvrage de M. Mayr n’est certes point exempt de défauts : on y pourrait relever quelque désordre dans l’ordonnance générale et l’exposition des idées, surtout des expressions d’une verdeur dont la critique allemande elle-même s’est émue. Il y a lieu d’espérer qu’à l’avenir l’auteur servira mieux sa pensée sans cesser d’être un esprit original et indépendant, ami des doctrines viriles. Son livre, qu’anime un souffle généreusement libéral et humain, respectueux du droit et ennemi de la force, est un de ceux que l’Allemagne philosophique de notre temps ne saurait trop mettre à profit.


A. Debon.


Adolf Horwlcz. — Psychologisghe Analysen auf physiologischer Grundlage (Analyses psychologiques sur des bases physiologiques). 2e  volume, 2e  partie : Analyse des sentiments qualitatifs. Magdeburg, 1878, x-524 p.

Le nouvel ouvrage de M. Horwicz est l’un des plus importants qui aient paru sur la matière inépuisable de la sensibilité. L’auteur consi-