Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, VI.djvu/62

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
52
revue philosophique

siologiques et psychiques. Les additions de la septième, édition montrent que l’auteur s’est efforcé de mettre à profit les travaux récents de la psychophysique, de la physiologie nerveuse. Sans doute il ne fait que tracer la voie ; mais c’est dans la direction qu’il a ouverte que d’autres, comme Boehm, comme Ochorowitz, etc., s’avancent aujourd’hui, et non sans succès. En résumé, sur ce grave problème des origines et du développement de la vie consciente, l’hypothèse de Hartmann, bien comprise, nous paraît mieux étudiée, plus conséquente, que le matérialisme flottant de Dühring, que la réserve sceptique de Lange.

Nous en dirons à peu près autant du jugement qu’il porte sur la plus considérable des récentes théories de la science, la théorie de l’évolution. Tout d’abord, signalons ce fait curieux, que de nos philosophes le plus intraitable adversaire de l’évolutionisme est justement l’homme que son matérialisme avéré semblerait devoir en rapprocher le plus ; tandis que la critique sévère du néokantien l’accepte et le loue presque sans réserve[1]. Et pour le remarquer en passant, n’est-on pas en droit de conclure de ce double fait que le darwinisme n’est pas aussi étroitement associé à la cause du matérialisme, que ses adversaires et ses partisans mêmes le croient trop aisément ? Dühring n’admet pas plus le transformisme des forces physiques que celui des espèces vivantes. Il se déclare l’adversaire résolu de la célèbre hypothèse de Laplace sur la formation de notre système planétaire, par la condensation et le fractionnement progressif d’une nébuleuse primitive. Il est intéressant de suivre dans l’histoire des principes de la mécanique la discussion approfondie, où Dühring s’attache à mettre en lumière les lacunes et les vices de cette théorie, autant par des arguments de mathématicien que par des raisons de philosophe. À plus forte raison les hypothèses de la sélection naturelle et de la concurrence vitale ne réussissent-elles pas à le convaincre. L’antipathie qu’il ressent pour elles s’épanche en diatribes amères, où les doctrines sont moins souvent attaquées que les personnes. — Toute autre est la critique à laquelle les soumet Hartmann dans la Philosophie de l’Inconscient, et surtout dans l’opuscule, si substantiel, la Vérité et le Faux dans le darwinisme. Hartmann regarde les grands principes de l’évolution, le transformisme, la sélection et la descendance, comme trois des plus belles conquêtes de la science récente. Le mécanisme sans lequel toute science expérimentale devient impossible s’y trouve pour la première fois étendu à l’univers entier, au monde des organismes et à la société humaine,

  1. Vaihinger, p. 83, 94 et passim.