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évoquant de lui-même (des images diverses) (à la lueur de) son propre éclat, de sa propre lumière[1], il dort et devient en cet état ce purusha qui est la lumière absolue[2] »

— 10. « Il n’y a là ni chars, ni attelages, ni routes ; mais il (le purusha) crée des chars, des attelages et des routes[3]. Il n’y a là ni bonheur, ni félicité, ni réjouissances ; mais il crée le bonheur, la félicité, les réjouissances. Il n’y a là ni étangs, ni lacs, ni rivières ; mais il crée des étangs, des lacs, des rivières, car il est le créateur[4]. »

— 11. « Il y a à ce sujet les vers suivants : « Ayant anéanti ce corps au moyen du sommeil[5], (le purusha), qui ne dort pas, contemple les endormis[6]. Ayant revêtu[7] (une forme) brillante, le purusha, qui a l’éclat de l’or, le cygne unique, revient à sa résidence[8]. »

— 12. « Préservant, au moyen du prâna[9], le nid inférieur

  1. C’est-à-dire à la lueur des modifications que subit le sens interne (antahkaranavrttiprakâçena). Et cette lueur a pour foyer l’ensemble des impressions recueillies dans l’état de veille. (Çankara.)
  2. Le sommeil n’est autre chose que le fait moyennant lequel l’âme individuelle devient son propre objet (vishayabhûta), — un objet brillant, lumineux, et qui renferme les impressions que lui a laissées la perception. En cet état, l’âme est comme une épée sortie de son fourreau (le corps) et qui se verrait à la faveur de son propre éclat. Alors, l’âme est à la fois sujet et objet, et c’est en quoi le simple sommeil diffère pour elle du profond sommeil, car dans ce dernier état elle n’a plus rien d’objectif, et sa personnalité s’est anéantie. (Çankara.)
  3. Dans l’état de veille, la perception interne est un phénomène psychologique auquel concourent, indépendamment de la lumière propre de l’âme (âtmajyotih) les sens, la buddhi, le manas et la lumière objective (âloka.) Mais dans le sommeil, les sens n’agissant pas et la lumière externe n’ayant plus le pouvoir de les solliciter, la perception interne résulte uniquement de la lumière propre de l’âme. Comme on l’a vu, les perceptions acquises (vâsanâ) modifient l’organe interne (antahkarana) et prennent pour l’âme une forme visible par l’effet de l’œuvre, mobile général des actes de l’âme individuelle, qui en provoque l’évocation. C’est ainsi que s’effectue le rêve et qu’opère la lumière propre de l’âme, qui éclaire les choses qu’on ne peut plus voir avec les yeux (tad yasya jyotisho drçyante luptadrças tad âtmajyotih), et c’est ainsi que l’Upanishads peut dire que le purusha crée des chars, etc. (Çankara)
  4. En ce sens que l’œuvre provoque les modifications de la pensée qui reposent sur les perceptions acquises. Celles-ci s’éclairent à la lumière propre de l’âme et deviennent des images visibles. Le mot créateur est donc appliqué ici par métaphore, à l’âme qui ne fait en réalité que se représenter dans le rêve les perceptions acquises dans l’état de veille. (Çankara.)
  5. L’ayant rendu immobile. (Çankara.)
  6. Il éclaire de sa propre lumière les perceptions acquises. (Çankara.)
  7. Par l’effet de l’œuvre qui est le mobile de ses actes. (Çankara)
  8. Ayant repris la forme sensitive, étant retourné vivifier les sens, il revient à l’état de veille. (Çankara.)
  9. Durant le sommeil, le corps ne vit plus qu’au moyen des cinq esprits vitaux appelés prânas. (Çankara.)