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ÉTUDES DE PHILOSOPHIE INDIENNE


LE SYSTÈME VEDÂNTA

§ IV. La délivrance dans ses rapports avec le sommeil.

Avant d’en arriver à l’étude de la délivrance proprement dite ou absolue, nous nous occuperons d’une théorie incidente fondée sur la réunion momentanée de l’âme individuelle à l’âme universelle, qui fait partie du système védântique.

Cette théorie résulte de l’explication que les védântins donnaient du phénomène du sommeil, et suppose la localisation dans une certaine partie du corps de l’homme de l’âme universelle dans son état naturel de liberté et d’homogénéité, ou tout au moins l’existence d’un vide où l’âme individuelle peut à certains moments s’abstraire des sens et des organes et retrouver ainsi l’état absolu qui l’assimile à l’âme universelle, mais dont elle perd de nouveau le privilège en revenant animer les fonctions intellectuelles et percevoir les sensations.

Dans différents passages des Upanishads anciennes, et particulièrement Brh. âr. Up., II, 1, 17, il est question de l’antar hrdaya âkâçah, c’est-à-dire de l’éther ou de la place (le mot âkâça peut s’interpréter dans les deux sens) qui est dans le cœur et où se retire ou s’absorbe, quand l’homme est dans l’état de profond sommeil, l’âme individuelle (puruhso vijñânamayah) avec la connaissance ou la conscience, le prâna, la parole, la vue, l’ouïe et le manas[1].

D’après Çankara, il faut voir dans le mot âkâça le synonyme d’âtman, l’âme universelle, dans laquelle l’âme individuelle vient reposer et retrouve sa véritable nature, exempte des vicissitudes auxquelles

  1. Ya esha vijnânamayah purushah tad eshâm prânânam vijnânena vijnânam âdâya ya esho’ntar hrdaya âkâças tasmin chete tâni yadâ grhnâty atha haitat purushah svapiti nâma tad grhîta eva prâno bhavati grhîtâ vâk grhîtam cakshur grhîtam çrotram grhîtam manah.