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priétés physiques ou chimiques : mais elle ne saurait apparaître ni se conserver sans leur concours. La génération spontanée n’a pas de sens, si l’on prétend que les seules lois du mécanisme physique ou chimique suffisent à faire sortir la vie de la matière brute : elle exprime une vérité incontestable, si l’on entend que la matière ou l’être se manifeste aussi naturellement, à son heure et en vertu de lois inéluctables, par les fonctions organiques que par les propriétés mécaniques ou par les affinités chimiques. Soutenir que la vie seule engendre la vie, et maintenir le vieil adage : « Omne vivum ex ovo », ce n’est pas résoudre le problème. Il reste toujours à expliquer la production du premier vivant. Et, à moins de renoncer à la science et de recourir à des interventions surnaturelles, il faut bien reconnaître que la nature, par son énergie propre, suffit à produire la vie comme tout le reste. Cette doctrine se rapproche au fond singulièrement de celle de Hartmann. Les interventions de l’Inconscient, qui enrichissent tout à coup la matière brute des propriétés organiques, ne traduisent, à vrai dire, et malgré certaines expressions malheureuses de Hartmann, que l’évolution, réglée par la logique éternelle, des puissances de la nature. Lange n’est pas ici moins directement opposé à Dühring qu’à Hartmann. Il n’admet pas que l’apparition de la vie réclame le concours de principes différents de ceux du mécanisme physique. La matière s’organise, comme elle obéit à l’attraction ou aux affinités chimiques, par l’action des mêmes lois : et le principe de l’équivalence des forces s’applique au monde des organismes comme à celui de la matière brute. Cette conviction n’empêche pas Lange de discuter, avec une inébranlable sérénité et une remarquable impartialité, les arguments contraires des partisans et des adversaires de la génération spontanée. Il les renvoie dos à dos, et se borne à rétablir les vrais principes, laissant aux investigateurs de l’avenir le soin de décider la question de fait.

Il garde la même réserve sur la question si souvent agitée, dans ces derniers temps, des origines de la vie psychique, et de l’apparition de la conscience. Les conditions mécaniques en pourront être déterminées sans doute, mais elles ne le sont pas encore. En tout cas, il faut soutenir énergiquement que, après comme avant, le phénomène de la première sensation demeurera aussi profondément mystérieux et inexplicable. On aura réussi à constater la corrélation de telle combinaison de la matière organisée et de telle manifestation de la conscience : les deux ordres de faits n’en resteront pas moins irréductibles l’un à l’autre. Et les méthodes de la science qui expliquent le premier seront toujours. impuissantes à rendre compte du second. Dühring n’hésite pas à soutenir que la science