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penjon. — la métaphysique phénoméniste en angleterre

ment de toute connaissance, pour le philosophe, cette expression de chose en soi n’a aucune signification, est un son vide de sens, flatus vocis. Avec la chose en soi s’évanouit la distinction entre la chose en soi et le phénomène. Tout est phénoménal, tout est relatif, du moins de cette relativité qui consiste à présenter un aspect subjectif et un aspect objectif en relation l’un avec l’autre.

Il est à remarquer que le mot noumène, dont on se sert pour désigner la chose en soi, témoigne lui-même contre la doctrine qui remploie ; les noumènes en effet doivent être eux-mêmes des phénomènes, puisqu’ils sont des objets de pensée, puisqu’ils ont un aspect subjectif.

En réalité, la question de la chose en soi, qui, au premier abord, semble inintelligible et contradictoire, se ramène à celle-ci : Quelle est la source de l’être la plus profonde et la plus secrète ? Quel est le pouvoir en vertu duquel existent tous les êtres et le monde visible considéré comme un tout séparé ? La tentative de résoudre cette question en la subordonnant à la distinction des choses en soi et des phénomènes, pour se demander ensuite ce que sont les choses en soi, était radicalement vicieuse, puisque la distinction même est fausse. Mais si la méthode était vicieuse, la question était légitime. Source de l’être, cause ou pouvoir par qui existe ce monde, ce sont là des termes qui ont un sens phénoménal, bien qu’il ne soit pas à la portée des facultés humaines de donner à ce sens plus de précision qu’il n’en a dans la question elle-même. Supposez une solution : la source, le pouvoir, une fois déterminé, ne sera pas une chose en soi, mais bien un phénomène, c’est-à-dire une réalité (’an existent) avec un aspect subjectif. En arrivant à une solution et en déterminant la source en question, nous aurons augmenté le domaine de la conscience directe d’un espace que la conscience réfléchie avait seule occupé jusque-là ; une possibilité de pensée sera ainsi devenue une connaissance actuelle. « En niant l’existence de l’inconnaissable, des choses en soi, nous ne restreignons pas le champ de l’existence, mais nous en changeons les divisions. La conscience réfléchie embrasse ce qui était appelé l’existence inconnaissable. »

On prend vulgairement la défense des noumènes en faisant remarquer que les phénomènes ne peuvent exister sans eux ; car ce sont des termes relatifs. La vérité est que ce qui paraissait être un noumène apparaît comme un phénomène dans l’analyse réfléchie. Ce sont en effet des termes relatifs ; mais ce mot phénomène, après l’analyse, sert à indiquer l’histoire d’une classe particulière, celle des phénomènes, qui a subsumé (subsumed) en elle l’autre classe, celle des noumènes. Les termes en question peuvent encore être employés