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penjon. — la métaphysique phénoméniste en angleterre

connaissance particulière à une connaissance commune au genre humain ? Cette question se pose aussi bien aux savants qu’aux philosophes, malgré la différence des points de vue où ils se placent ; mais il appartient à la philosophie de la résoudre, et la réponse est extrêmement simple. C’est par induction, en remarquant les actions et les paroles d’autres individus, en notre présence et en présence de nos objets. Nous voyons qu’ils font et qu’ils disent exactement ce que nous faisons et ce que nous disons dans les mêmes circonstances ; en un mot, nous les percevons réagissant (re-acting) précisément comme nous nous percevons agissant nous-mêmes ; notre propre réaction dépend de nos propres sensations ; nous en concluons qu’il y a en eux de semblables sensations correspondant aux mêmes objets. Cette solution est <( si simple et si naturelle, que l’on s’étonnera peut-être de la voir proposer comme une solution philosophique spécialement importante. Mais la question est de savoir quelle en est l’analyse : c’est une induction, fondée sur une observation subjective, non une connaissance immédiate fournie par une observation subjective. Une observation subjective, attestée par la réflexion, sert ici à interpréter une classe d’objets, à savoir d’autres individus, leurs paroles, leurs actions, et à inférer d’une autre classe d’objets qu’ils sont à la fois nos objets et ceux des autres individus. »

En réalité, le savant, dans ses inductions ordinaires, n’agit pas autrement, et, à chaque pas, lui aussi, mais à son insu, il s’appuie sur l’observation subjective. Elle est au fond de l’analyse des objets physiques, comme elle sert à l’analyse des objets mentais, et la réflexion, en définitive, vérifie également l’une et l’autre.

La méthode de réflexion consiste dans l’exercice d’un mode particulier de conscience. Elle ne doit jamais atteindre que des phénomènes ; notre connaissance est-elle donc exclusivement phénoménale ? — La distinction de la conscience réfléchie et de la conscience directe fait voir, d’après M. Hodgson, comment il faut résoudre le fameux problème des choses en soi. « Lorsque nous nous occupons, dit-il, des phénomènes extérieurs en recourant à la conscience directe (celle pour laquelle l’objectif et le subjectif sont séparés), et que nous demandons ce que l’on peut prouver, et comment, par rapport à ses phénomènes, nous arrivons à la fin à un résidu dont nous ne pouvons rien dire, nous touchons à la limite de notre connaissance. Ce résidu est la chose en soi, tandis que tout ce qui concerne le phénomène est la connaissance, est phénoménal. Si notre étude a été statique, c’est-à-dire a eu pour objet l’analyse des phénomènes eux-mêmes, ce résidu apparaît sous la forme d’une