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les conditions, et actuel pour ces autres modes s’ils existent actuellement. C’est ce monde possible et pour nous indéterminé qui est le domaine d’une philosophie constructive à la fois distincte de la philosophie analytique et de l’ontologie. C’est un monde où la réflexion peut atteindre, mais non la conscience directe.

Cette partie de la philosophie, sous peine de n’avoir plus rien de philosophique, ne doit pas être étudiée sans le secours de la partie analytique ou de la métaphysique, et les problèmes qu’elle comporte ne doivent plus revêtir l’ancienne forme ontologique : il faut renoncer à la prétention de dépasser la distinction des deux aspects de toute réalité, et d’atteindre à la définition de l’unité. En revanche, il nous est permis de déterminer la position de cette « branche constructive », et de le faire en ces termes : « Il ne peut rien y avoir au delà de l’existence, c’est-à-dire qu’il n’y a pas de non-existence, car c’est une contradiction dans les termes ; ou bien, il ne peut y avoir d’existence qui n’ait un aspect subjectif, car être c’est avoir une existence subjective dans une conscience ou dans une autre. Mais il peut y avoir des existences ou des mondes existants, très-différents de celui qui est le monde de notre conscience, et nous pouvons imaginer de tels mondes analogues au nôtre, en supposant des changements par rapport aux éléments ultimes de notre propre analyse subjective, soit par l’hypothèse de sensations différentes, mais analogues, soit par celle d’une combinaison différente de ces éléments subjectifs eux-mêmes. Il y aurait ainsi d’autres mondes pour d’autres êtres doués de conscience. Notre propre monde nous apparaîtrait comme faisant partie d’une série ou d’un groupe de mondes analogues, sans que nous ayons à sortir en aucune manière de l’existence phénoménale, ou à franchir le dualisme de l’aspect objectif et de l’aspect subjectif, distincts, mais inséparables. Nous pouvons en outre supposer cette série comme composée de mondes infiniment peu différents les uns des autres, dont aucun cependant ne serait actuel pour les êtres conscients, en dehors de celui auquel ils appartiendraient, malgré cet extrême rapprochement et cette grande ressemblance… »

Parmi les problèmes de cette partie de la philosophie pourraient se rencontrer, mais dépouillées de leur forme antique, les vieilles questions de l’existence de Dieu et de l’immortalité. En un mot, c’est à elle qu’il conviendrait de rechercher pourquoi nous existons, d’où nous venons et où nous allons, tandis que l’étude la plus profonde du monde actuel — la métaphysique — doit seulement découvrir ce qui est et le comment des choses.

La philosophie analytique ainsi distinguée des sciences en général, de la psychologie et de cette « branche constructive » qui n’a pas de