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penjon. — la métaphysique phénoméniste en angleterre

bien plus proche des sciences ordinaires que de la philosophie proprement dite.

En résumé, « nous pouvons définir la philosophie, par opposition à la science psychologique, l’analyse dernière des états de conscience en connexion avec leurs aspects objectifs, abstraction faite de leurs conditions organiques, et, par opposition à la science en général, l’analyse subjective des notions ultimes des sciences. De part et d’autre, elle a ce triple caractère d’être définitive (ultimate), subjective et analytique. »

Ainsi entendue, la philosophie ou métaphysique est-elle définitive, c’est-à-dire pénètre-t-elle jusqu’aux dernières limites où puisse atteindre la connaissance humaine ? N’est-il pas possible de dire la genèse de ces deux aspects, subjectif et objectif, ou de découvrir une raison d’être de la conscience et de l’existence ? Depuis l’unité absolue, τὸ αυτό εν, des néo-platoniciens, jusqu’à l’inconnaissable de M. Herbert Spencer, combien de solutions n’ont-elles pas été proposées pour répondre à ces questions, combien de systèmes ontologiques ne se sont-ils pas produits ? Mais les auteurs de ces systèmes se sont-ils vraiment imaginé qu’ils avaient triomphé de ce dualisme de l’objet et du sujet ? La vérité est qu’ils n’ont pas bien compris ou remarqué cette propriété de la réflexion, à savoir que tous les objets qu’elle se propose sont subjectifs en même temps qu’objectifs. Il y a toujours eu des théories de métaphysique constructive, ou d’ontologie, pour abuser le genre humain ; mais elles ont surtout servi à empêcher de voir dans quelle mesure une construction philosophique pouvait être légitimement essayée.

La réflexion permet elle-même de déterminer cette mesure. Nous pouvons nous représenter la conscience individuelle comme occupant un point dans un espace infini, qui est l’existence. Mais la conscience ne pourrait imaginer un espace infini si elle n’était infinie elle-même. Or elle, est douée de facultés ; en d’autres termes, elle agit selon certains modes déterminés ; tout ce qui est déterminé est limité par sa détermination ; il peut y avoir d’autres modes qui sont indéterminés pour cette conscience et lui sont par suite inconnus. Le monde comme donné par nos modes déterminés de conscience est le monde actuel dans lequel nous vivons. Le monde tel qu’il serait donné par d’autres modes est une existence indéterminée, indéterminée pour nous, mais déterminée pour ces autres modes de conscience dont elle est le monde actuel. Il y a donc, au delà de notre monde déterminé, un monde indéterminé pour nous, mais possible s’il y avait d’autres modes de conscience que les nôtres, c’est-à-dire possible pour notre pensée, puisque nous en imaginons