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les modes d’existence, possible, actuelle, imaginaire ou nécessaire, correspondent des modes de présence dans la conscience, et c’est la condition indispensable pour connaître sous quelque forme que ce soit ce qui existe. En un mot, la conscience est elle-même l’aspect subjectif de l’existence. Nous connaissons l’existence comme conscience, et le savoir, c’est avoir conscience de soi-même.

Mais il faut bien remarquer ici que cette distinction entre l’aspect subjectif et l’aspect objectif, sur laquelle est fondée la distinction même de la philosophie et des sciences, ne repose elle-même sur aucune théorie relative soit à un substratum ou à un agent quelconque de la conscience, soit à un substratum de la matière. Nous n’avons à supposer ni une âme, ni un esprit, ni un moi, quel qu’il soit, matériel ou non, qui ait ces états de conscience. Loin de réclamer une semblable théorie, la distinction de l’objectif et du subjectif est au contraire requise pour former n’importe quelle hypothèse sur l’esprit ou la matière, la substance de l’un et de l’autre. Pour expliquer en effet l’existence séparée des deux aspects, il faut d’abord les avoir distingués.

Si la philosophie, comme l’entend M. Hodgson, diffère des sciences proprement dites et même de la morale et de la logique, ne fait-elle pas double emploi avec la psychologie, qui a pour objet, elle aussi, les états de conscience ? La psychologie a fait surtout en Angleterre de remarquables progrès ; elle est une des gloires de ce pays ; ne serait-elle pas, sous un nom moins prétentieux, la même chose que cette métaphysique nouvelle qui se ramène en définitive à une analyse subjective des faits intérieurs ? Il n’en est rien ; la science ou se sont signalés et se signalent encore les Stuart Mill, les Bain, les Herbert Spencer, etc., a pour objet de découvrir les lois en vertu desquelles les différents états de conscience ou coexistent ou se suivent les uns les autres. Elle détermine les conditions de leur apparition dans tel ou tel rapport. Laissant de côté leur nature, elle se préoccupe de leur genèse, de leur histoire. Elle considère ces états sous leur aspect objectif, pourrait-on dire, plutôt que sous leur aspect subjectif, c’est-à-dire en tant qu’ils sont liés à une suite de faits extérieurs dont ils dépendent. Elle ne peut se passer, par suite, de l’hypothèse d’une substance ou d’un agent auquel ces états appartiennent. Enfin la philosophie, au double point de vue de l’histoire et de la logique, est antérieure à la psychologie ; car celle-ci n’a pu se constituer que lorsque la séparation du subjectif et de l’objectif a été consommée, lorsque la conscience directe a été substituée à la conscience réfléchie. La psychologie, ayant un objet et une méthode si éloignés de la méthode et de l’objet de la métaphysique, est donc