Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, VI.djvu/583

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
573
penjon. — la métaphysique phénoméniste en angleterre

dans « la Philosophie de la réflexion » est plutôt une négation de la métaphysique, au sens ordinaire du mot, qu’elle n’en est le développement, et il est dès lors vraisemblable qu’il n’y aura pas de conflit entre les sciences proprement dites et ce système. L’analyse, comme la pratiquent les savants, est moins profonde ; ils s’imposent des limites que le métaphysicien anglais franchira ; mais la méthode, au fond, est la même ; elle atteint seulement son plus haut degré de généralité en philosophie.

Un métaphysicien de nos jours peut bien présenter quelques vues originales ; il est difficile qu’il ne reconnaisse pas un maître, qu’il ne se rattache pas à une école. M. Hodgson déclare franchement qu’il est un disciple de Salomon Maimon, le chef de l’école qui a développé dans le sens le plus naturel et sans le faire dévier le criticisme de Kant. Cette franchise est d’autant plus louable et méritoire que notre auteur est entré tout seul dans la voie et n’a connu son véritable prédécesseur qu’après avoir fait lui-même de notables progrès. Il est difficile d’avoir plus de modestie et, nous pourrions le dire, une piété filiale plus touchante. « Un écrivain qui a un bon style, disait Maimon, est lu. Celui qui a un talent d’exposition est étudié. Celui qui n’a ni l’une ni l’autre de ces qualités, s’il a découvert de nouvelles et importantes vérités, est utile. L’esprit, sinon le nom de cet auteur, est impérissable. » — « Ton nom aussi, Maimon, serait impérissable, ajoute M. Hodgson, s’il m’était donné de le rendre célèbre. Mais ma plume est aussi peu puissante que la tienne ! »

Pour la structure, en quelque sorte, et la méthode, la philosophie de M. Hodgson appartient donc à l’école critique de Maimon, considéré, comme le continuateur de Hume et de Kant. Mais l’inspiration de cette philosophie est due à un auteur dont le nom peut surprendre à la suite des noms qui précèdent. C’est au poète Coleridge que notre auteur a emprunté quelques-unes de ses conceptions les plus importantes, c’est de lui qu’il a appris, dit-il, ce qu’il vaut la peine de savoir et comment on arrive à le connaître. Il a lu ses œuvres dès sa première jeunesse, et elles lui ont apparu comme des oracles de la divinité. Elles étaient en effet fort loin d’être claires pour lui, et c’est en s’appliquant à les comprendre qu’il en est venu à concevoir et le principe de la réflexion et celui de la distinction des inséparables, c’est-à-dire du subjectif et de l’objectif, des éléments émotionnels et des éléments intellectuels. De là aussi, par une conséquence qui étonnera peut-être les logiciens de profession, la tournure de philosophie religieuse et même mystique que nous verrons prendre au système de M. Hodgson. Une doctrine qui ne tiendrait pas compte des déterminations passionnées de l’esprit de Dieu, dit-il, ne serait