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analyses. — giovanni. Principes de philosophie première.

le relatif, variante qui, du reste, ne change en rien le fond des choses[1]. » Cette analyse a été faite d’après la première édition des Principes de philosophie ; mais elle s’applique non moins exactement à la seconde. M. di Giovanni n’a rien changé en effet au fond de ses doctrines. Les développements nouveaux qu’il y a ajoutés n’ont pour but que d’en rajeunir l’exposition en mettant à profit tous les travaux importants qui se sont produits en Italie et à l’étranger, depuis quinze ans, sur les questions traitées par l’auteur. Les citations abondent dans le livre de M. di Giovanni. Elles attestent non-seulement une immense érudition et une curiosité toujours en éveil, mais une rare sincérité et un esprit non moins remarquable de tolérance et de justice. Le professeur de Palerme n’est pas un de ces champions farouches de l’orthodoxie, pour qui les textes ne sont que des armes de combat. Il cherche à pénétrer dans la pensée des philosophes dont il s’approprie ou dont il repousse les doctrines, et, alors même qu’il défend énergiquement des principes qui lui sont doublement chers comme métaphysicien et comme prêtre catholique, il est peu prodigue d’anathèmes. Il est même plus porté à chercher les points de rapprochement que les points d’opposition, et, pour peu qu’une doctrine ait de l’analogie avec celle qu’il professe, il ne lui épargne aucun compliment. De tels procédés d’exposition et de discussion font aimer l’homme en même temps qu’ils font estimer le penseur.

Les philosophes de toutes les écoles pourront lire avec profit, dans les trois volumes de M. di Giovanni, les discussions savantes et consciencieuses que l’auteur a su y introduire sur toutes les doctrines contemporaines. Ils y trouveront aussi, sur plus d’un point, particulièrement sur les questions de logique et de morale, des théories très-dignes d’attention. Quant à la doctrine principale, en dehors de l’intérêt historique auquel elle peut prétendre, je ne crois pas qu’elle puisse reprendre faveur auprès de l’esprit moderne. La tentative de réconcilier l’orthodoxie catholique et le rationalisme philosophique n’est pas morte avec Rosmini et Gioberti. Elle sera sans doute plus d’une fois renouvelée, et elle pourra retrouver des jours de popularité et d’éclat ; mais je doute qu’elle puisse se produire avec succès sous la forme de l’ontologisme. L’Église n’a jamais eu de goût pour une telle doctrine. Elle l’a souvent condamnée, et, si elle la laisse passer aujourd’hui avec indifférence, c’est que son attention est attirée ailleurs par des intérêts plus pressants. L’ontologisme a été professé de nos jours au sein du clergé français par un sulpicien éminent, l’abbé Baudry, mort évêque de Périgueux. Il a peut-être encore des adeptes dans les facultés de théologie et dans l’épiscopat ; mais il ne tient qu’une place effacée dans le grand débat qui, plus que jamais, est engagé entre la libre pensée et la foi. Je ne le crois pas beaucoup plus en honneur dans le clergé italien, malgré la force que lui prêtent des travaux tels que ceux de M. di Giovanni. Indifférent

  1. Essai sur l’histoire de la philosophie en Italie au xixe siècle, tome Ier, pages 457 et 458.