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analyses. — zœllner. Mémoires scientifiques.

l’effet de cette vibration longitudinale. Il faudrait expliquer pourquoi.

Il était impossible que l’attention de M. Zöllner ne se tournât pas du côté du radiomètre. Il a fait beaucoup d’expériences avec cet appareil, et est arrivé à cette conclusion, un peu prématurée, qu’il n’est pas possible dans l’étal actuel de la science d’expliquer son mouvement sans introduire une nouvelle hypothèse ; or le radiomètre, on l’a dit bien souvent, est tout un petit monde : la multiplicité des causes qui agissent ou peuvent être soupçonnées d’agir dans cet appareil est bien grande pour qu’on puisse se croire assuré d’avoir fait à chacune sa part.

Quoi qu’il en soit, M. Zöllner se laisse séduire à proposer à cette occasion une hypothèse d’une hardiesse surprenante : les corps chauds ou lumineux perdraient continuellement par leur surface une portion de leur substance, qui se porterait sur les corps échauffés ou éclairés, par un procédé analogue à l’évaporation. Il faut entendre par là que certaines molécules voisines de la surface du corps lumineux se trouveraient accidentellement rompues, résolues en leurs atomes matériels et électriques, et que ces derniers se trouveraient projetés dans l’espace avec une vitesse variable, mais dont M. Zöllner évalue la grandeur moyenne à 372 000 kilomètres par seconde. Il revient ainsi, par un long détour, à la théorie de rémission, abandonnée depuis un demi-siècle pour l’explication des phénomènes lumineux, qu’elle n’a pu suffire à embrasser. On ne peut s’empêcher de trouver que c’est une bien grande complication, introduite presque gratuitement dans l’étude de la physique ; et ce n’est pas sans une extrême défiance qu’on continue à suivre des calculs qui ont à leur origine une hypothèse si peu justifiée.

L’auteur attribue à sa nouvelle conception une importance extrême au point de vue cosmique. Si l’émission par les corps lumineux existe, la masse du soleil doit diminuer de siècle en siècle ; mais d’après M. Zöllner il ne faudrait pas moins de 17 millions d’années pour que le diamètre apparent de l’astre se trouvât ainsi réduit de la plus petite quantité mesurable (1/10 de seconde). Quant au milieu constitué par cette poussière cosmique voyageant des corps lumineux aux corps éclairés, sa densité ne serait que les 31/1012 densité de l’eau, c’est-à-dire

qu’elle serait trop minime pour produire une résistance appréciable au mouvement des astres. Le résultat des calculs de M. Zöllner est donc purement négatif : l’hypothèse qui leur sert de base se montre physiquement inféconde comme le reste du système de Weber.

Ainsi qu’on le voit, les conceptions scientifiques de M. Zöllner sont empreintes d’un caractère de personnalité très-accusé. Doué d’une imagination exubérante, ce savant accorde volontiers une foi absolue à l’objectivité de ses hypothèses, et il supplée trop aisément au manque d’une critique approfondie, par une polémique qu’on est surpris de trouver aussi acerbe dans des mémoires de cette nature : dès qu’on le contrarie, M. Zöllner trouve aussitôt à son service une mine inépuisable de citations scien-