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nolen. — les nouvelles philosophies en allemagne.

Nul livre ne permet mieux de pénétrer dans les dispositions philosophiques de l’Allemagne actuelle. L’exposition est claire, méthodique ; les rapprochements, multipliés et ingénieux. Nous mettons à profit cet intéressant travail ; nous ne le prenons pas pour modèle. La critique s’y montre trop partiale. Au lieu d’une étude d’histoire ou d’un jugement désintéressé, c’est un plaidoyer passionné en faveur de Lange et du néokantisme, que nous rencontrons. Nous nous efforcerons de garder le ton de l’historien ; et, sans renoncer à donner notre avis quelquefois, nous nous attacherons surtout à rassembler pour le lecteur les éléments d’une saine appréciation.


I. Théorie de la connaissance.


Un premier problème s’impose, depuis Kant, à tout esprit qui veut sérieusement philosopher. On doit s’être fait une théorie de la connaissance, avant de procédera la construction d’un système. Comme le remarque judicieusement Kirchmann, la théorie de la connaissance n’est pas l’un des fondements, mais le fondement essentiel et unique d’une doctrine philosophique.

Les trois philosophes dont nous nous occupons l’ont bien compris. Dühring débutait en 1865 dans la carrière philosophique par sa Dialectique naturelle, ou Essai de fonder la science et la philosophie sur des principes logiques nouveaux. En 1869, M. de Hartmann publiait une première fois, sous le titre de la Chose en soi et sa Nature, et en 1875, dans une seconde édition, sous celui de Fondement critique du réalisme transcendantal, un examen approfondi des principes sur lesquels repose notre croyance à la réalité des choses. Le livre de Lange, l’Histoire du matérialisme, est tout entier, à son tour, une critique des fondements de la connaissance ; et nous avons eu l’occasion de faire remarquer ailleurs, qu’il porterait aussi justement le nom de critique des principes du matérialisme que celui d’histoire du matérialisme. L’ouvrage posthume de Lange, malheureusement inachevé, que son ami Cohen a publié sous le titre d’Études logiques en 1877, témoigne à la fois par ce qu’il contient, et par ce que l’auteur se proposait d’y mettre, de la préoccupation constante, presque exclusive, qui attachait Lange au difficile et important problème de la critique des sources de la connaissance.

On le voit, nos trois philosophes ont cherché à satisfaire, dans une mesure bien inégale sans doute, aux exigences que l’immortel exemple de la philosophie kantienne a communiquées à la pensée