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compayré. — psychologie de l'enfant

à moins qu’on ne veuille prendre des simulacres pour les réalités. Tel n’est pas l’avis de M. Pérez. D’après lui, le progrès qui s’accomplit pour l’homme depuis ses premières années jusqu’à la maturité ne consiste pas à introduire dans l’âme des puissances nouvelles : il ne fait que fortifier des puissances déjà organisées dès la première enfance. Et, pour employer sa formule, « entre les facultés du jeune enfant et celles de l’adulte, la différence n’est pas qualitative, elle est quantitative. »

Qu’on lise le chapitre, d’ailleurs intéressant, qu’il a consacré à ce sujet, et l’on se convaincra que l’attention prétendue de l’enfant n’est que l’ombre et le fantôme de l’attention véritable. Dans les exemples que M. Pérez a recueillis, l’attention est tour à tour confondue avec un besoin impérieux, comme celui du nourrisson qui regarde fixement le sein de sa nourrice ; avec une sensation vive, comme celle de l’enfant qui à un mois est capable de suivre pendant trois et même quatre minutes le reflet miroitant de la lumière sur un tableau placé près de la fenêtre ; avec la mobilité des impressions, comme dans le cas où cette petite fille de trois mois qu’on nous dépeint « attentive à tout ce qui se passait autour d’elle, aux sons de toute espèce, à un bruit de pas dans la chambre. » Dans ces différentes circonstances où l’enfant ferait preuve d’attention, « le sujet observant, M. Pérez l’avoue lui-même, paraît moins s’appartenir qu’appartenir à l’objet observé. » N’est-ce pas précisément choisir, pour en faire le trait commun à tous les états d’attention, ce qui est la caractéristique des états contraires ? L’esprit attentif s’appartient à lui-même : il se dirige, il se fixe, il se déplace comme il le veut. Loin d’être une sensation dominante ou une condescendance de l’esprit aux impressions multiples qui se succèdent, l’attention consiste à dominer les sensations pour suivre volontairement une pensée préférée à toutes les autres. Elle n’est pas le résultat et le contre-coup d’une excitation du dehors : elle émane d’un effort intérieur. Quant à cette « habitude d’attention prompte, éparpillée capricieusement, c’est-à-dire insuffisamment accordée à toute chose, » elle est en effet le propre de l’enfant, mais elle est la négation même de l’attention.

Il suffit d’avoir appris à lire à un enfant pour comprendre combien, même à quatre ou cinq ans, ce petit être remuant et agité est incapable d’attention, et en même temps comment il se produit chez lui des états qui la simulent. Mettez-le dans un jardin avec son alphabet : là, au milieu des sensations qui tourbillonnent autour de lui, il sera presque impossible de fixer son esprit. Il interrompra sans cesse son épellation par des exclamations de toute sorte : « Voilà un papillon qui passe ! — Voilà un oiseau qui vole ! » Placez