Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, VI.djvu/482

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
472
revue philosophique

motricité volontaire, il nous est impossible de ne pas regretter que, sortant de son sujet, grâce à une confusion fâcheuse des actions conscientes de l’enfant avec les actions réfléchies de l’homme fait, M. Pérez se soit complu à y discuter, pour la résoudre négativement, la question du libre arbitre. Quelques observations impartiales sur les impulsions irrésistibles qui entraînent l’enfant seraient ici plus à leur place que ces longues citations, empruntées à M. Vulpian, à M. Luys, à M. Spencer, « l’Aristote de nos jours », et destinées à établir que la volonté n’est jamais que « le fonctionnement des éléments cérébraux ». Tout au moins nous accordera-t-on qu’il y a quelque différence entre les actes délibérés qui offrent chez l’homme fait l’apparence de la liberté, et les mouvements irréfléchis, quoique conscients, de la sensibilité enfantine. Les quelques faits invoqués par M. Pérez, les colères, les contorsions, les trépignements, les résistances violentes qui accompagnent souvent chez l’enfant quelques-uns des actes les plus ordinaires de sa vie, tels que le débarbouillage ou la mise au berceau, n’ont aucun rapport avec les déterminations calculées de la volonté humaine. Il serait sage de reconnaître ces différences, afin de ne pas engager hors de propos le débat du libre arbitre. Un observateur de la nature enfantine perdrait bien vite tout crédit, s’il laissait voir que ses expériences sont faites sous l’empire d’une théorie préconçue de la nature humaine, et qu’il ne recueille des faits que pour les transformer aussitôt en armes de combat pour ou contre le matérialisme.


III


Nous ne songeons pas à critiquer M. Pérez, nous le louerions plutôt, pour avoir distribué ses observations et ses expériences dans les vieux cadres classiques des facultés de l’âme, et respecté une division qui offre toutes les qualités de justesse approximative que comporte le sujet. Seulement cet ordre d’exposition a un inconvénient grave : celui d’entraîner l’auteur à vouloir retrouver chez l’enfant les équivalents de toutes les facultés de l’âge mûr. On a beau croire, comme nous sommes disposé à le faire, que l’enfant a plus d’intelligence qu’on ne le suppose généralement, qu’il est un homme en raccourci, et qu’il nous donnerait bien souvent une plus haute idée de son esprit, s’il n’était pas trahi par la faiblesse de ses moyens d’expression : il n’en est pas moins hors de doute, à nos yeux, que certaines opérations intellectuelles dépassent la portée de ses facultés, que l’attention par exemple et le sens moral n’existent pas chez lui,