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compayré. — psychologie de l'enfant

plaigne, y joue un grand rôle. Enfin, bien que de notre temps les philosophes semblent ne plus tenir à être loués pour les qualités de leur style, nous nous permettrons de remarquer que la vivacité même et la clarté de l’exposition contribueront au succès de l’œuvre de M. Pérez. Pour parler de l’enfant et analyser ses facultés encore si fines et si ténues, il ne nuit pas de disposer de quelques nuances dans le style. De même, pour peindre comme il convient cet âge aimable, il ne messied pas de répandre sur ses descriptions un certain agrément poétique. Rien de tout cela ne fait défaut à M. Pérez, et son livre, où abondent les récits agréables, sera lu avec plaisir même par ceux qu’intéresse seulement le côté anecdotique du sujet.

Les petits enfants que nous présente M. Pérez et dont il rapporte les actes nous semblent cependant avoir un défaut : c’est d’être généralement de petits prodiges, qui manifestent avec une extraordinaire précocité des qualités dont l’éclosion est communément plus tardive. Tel est par exemple l’enfant du philosophe allemand Tiedemann (destiné, il est vrai, à devenir, un physiologiste éminent), qui à treize jours montrait déjà quelques traces d’idées acquises, et à un mois « cherchait à produire des sons variés ». Telle encore la fillette dont M. Pérez nous dit qu’à trois mois elle prenait déjà grand plaisir à regarder des images : « Je la savais très-friande des couleurs brillantes. Je plaçai devant elle successivement des gravures de plusieurs sortes. Je commençai par les nuances faibles. L’enfant, en les voyant, sursauta, poussa des exclamations joyeuses et tendit les mains en avant. Mais sa joie devint de l’exaltation, quand je plaçai devant ses yeux des couleurs plus éclatantes : elle les palpait, les heurtait de ses mains frétillantes, les froissait, les tiraillait, les portait à sa bouche, les contemplait en extase… Une autre fois, je lui présentai deux images dont l’une aux couleurs très-vives. Elle éprouva un grand plaisir à regarder même l’image aux couleurs sombres. » On pourrait chicaner M. Pérez sur ces faits et sur d’autres semblables. Mais nous croyons qu’en pareille matière la question de date a peu d’importance : ce qui importe, c’est l’ordre de succession, de développement des facultés[1]. Il y a une telle

  1. C’est ce que fait remarquer aussi, dans un récent travail sur le sujet qui nous occupe, un écrivain anglais, M. F. Pollock. « Children differ so much in forwardness that the time of particular acquisitions seems of litle importance as compared with thei order. » Voyez, dans le Mind (n° de juillet 1878, p. 392), l’article intitulé : An infant’s progress in language. L’auteur, qui laisse de côté toutes les autres questions de la psychologie de l’enfant, se contente de noter au jour, le jour, depuis l’âge de douze mois jusqu’à l’âge de deux ans, les progrès du vocabulaire d’un enfant.