Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, VI.djvu/471

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
461
dastre. — le problème physiologique de la vie

dissipent. La clarté s’est faite. Toute la conception de M. Chauffard est contenue dans cette simple phrase : « La vie est une idée finale. » Voilà tout le secret ressort de l’œuvre, qui nous apparaît dégagée des accessoires de pur ornement ou d’intérêt épisodique. Nous sommes, sans ambiguïté possible, en présence d’un système essentiellement métaphysique et parfaitement connu. Le livre de M. Chauffard n’a rien à nous apprendre si nous avons lu par avance la remarquable étude de M. Janet. — La vie est dans la finalité des actes qui la réalisent, nous dit-on. Kant a déjà dit cela, lorsqu’il appelle l’être vivant un système téléologique, un système de fins et de moyens réciproques ; c’est-à-dire un ensemble de parties qui existent par et pour les autres, par et pour le tout.

Rien de plus légitime à coup sûr, sinon de plus neuf, que cette doctrine métaphysique. La pensée ne nous viendrait pas de la critiquer chez M. Chauffard, philosophe ; mais nous devons la reprocher à M. Chauffard, médecin, physiologiste, écrivant dans le but exprès de vivifier, d’éclairer, d’animer la science de la vie. Cette finalité, en effet, n’est pas une loi physiologique : on discute encore, entre philosophes, si elle ne serait pas, au lieu d’une loi de la nature, une simple loi de la raison.

Qu’un philosophe nous dise que la vie est une cause finale en action, nous y souscrivons volontiers, laissant à un autre philosophe le soin de terrasser cette cause finale et de lui substituer « un principe purement physique faisant sortir la finalité de son contraire. » Au philosophe, il est loisible de rester dans le monde des idées et de faire de la vie l’idée du but vers lequel sont dirigées toutes les activités des organes et des éléments. La fin en vue de laquelle tous les phénomènes de l’économie se coordonnent, qui est constamment présente dans leur réalisation, cause rétroactive de ces phénomènes, c’est la cause vitale, la vie. Soit. Nous ne craignons pas que le métaphysicien tire abusivement cette cause finale du domaine intellectuel, qu’il la dépayse dans le domaine physiologique et qu’il en fasse un principe d’action, un agent d’exécution, une cause efficiente des actes vivants. Cette confusion n’est pas à craindre de la part d’un homme qui, suivant une expression empruntée, « ne met pas la main à la cuisine vitale ».

Mais, au contraire, elle est fort à redouter de la part du médecin, du physiologiste, qui, mis en présence d’un phénomène organique, seraient tentés d’y voir l’œuvre de la cause finale ; erreur plus funeste que les plus funestes erreurs de f empirisme, parce qu’elle conduit celui qui la commet à un quiétisme contemplatif et satisfait, ennemi de toute recherche ultérieure. C’est le danger tout opposé à