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dastre. — le problème physiologique de la vie

être un principe de ce genre, comment il peut devenir instrument d’action, en un mot ce que peut être la cause en regard da phénomène causé.

On se retrouve ainsi en présence de l’éternelle énigme posée à la curiosité des philosophes, c’est-à-dire du problème fondamental de la force et de la matière, problème qui domine et contient tous les autres. — C’est le lot fatal des discussions de ce genre ; on ne peut pas s’arrêter sur la pente de la métaphysique : il faut rouler jusqu’au fond de l’abîme. Suivons-y donc M. Chauffard, puisqu’il le faut, et soyons bref. — Le moule géométrique où Descartes avait enfermé la philosophie est brisé depuis longtemps. Le célèbre philosophe, en définissant la matière par le seul attribut de l’étendue, ne nous permet pas d’en comprendre l’activité, révélée par tous les faits naturels : d’autre part, en séparant la matière de l’âme définie par la seule pensée, il nous ôte la ressource de chercher dans l’âme le principe de cette activité matérielle. — La conception de la matière qui a cours actuellement et qui se formule en disant que la matière est « l’ensemble des forces » ou « le lieu des forces » est bien différente de la conception de Descartes ; elle se rapproche de la conception des stoïciens : c’est la matière rationnelle de Diogène d’Apollonie, mobile et non pas mue, active et non pas inerte. Telle est aussi la manière de voir de Leibnitz. Le philosophe de Hanovre n’a pas en effet arrêté son esprit à la considération de cette matière « qui est purement passive et ne consiste que dans l’étendue », matière nue ou première, qui est un pur concept ou, selon M. Magy, une illusion sensorielle. Les corps de la nature nous offrent une matière revêtue, matière seconde, formée par l’union indissoluble de l’étendue avec un principe d’activité, inséparable. — Ce principe actif, qui existe dans chaque monade matérielle, « entéléchie inétendue qui est principe de mouvement », se manifeste par l’ensemble des propriétés physicochimiques ou mécaniques.

Voilà de quoi comprendre les phénomènes de la nature physique, et pour l’école matérialiste de quoi comprendre toute phénoménalité, sans chercher rien au delà. Pour cette école, propriétés physiques, phénomènes vitaux, faits psychiques ont leur fondement dans l’activité immanente de l’atome matériel. La mécanique des atomes contient la raison de toute phénoménalité ; chaque phénomène est une intégrale atomistique. Le géomètre qui connaîtrait pour un instant infiniment petit la position et le mouvement de tous les atomes de l’univers lirait dans ses équations le passé et l’avenir du monde matériel, vivant et social ; il pourrait, ainsi que le dit Dubois-Reymond, « prédire le jour où la croix grecque brillera de nouveau au