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liquide sanguin ou anémiée par suite d’un afflux insuffisant, et l’esprit de l’homme, devenu le jouet de l’imbécillité ou des différentes formes du délire et de la torpeur, rendra témoignage par ces altérations mêmes des intimes rapports qui lient son activité à celle des organes. — Mais ces faits, de connaissance absolument banale, n’ont d’autre valeur que de démontrer tout au plus l’erreur d’Aristote, s’il est vrai que ce philosophe ait affirmé que « la pensée est le seul acte de la a vie humaine qui n’ait pas besoin d’organe ». La correspondance du physique au moral a été proclamée par la science moderne de la manière la plus rigoureuse. Le savant Tyndall traduit exactement l’opinion de la majorité des physiologistes lorsqu’il les déclare prêts à accepter cette hypothèse que « tout acte de conscience, aussi bien dans le domaine des sens, de la pensée ou de l’émotion, correspond à un certain état moléculaire défini du cerveau, de telle sorte qu’étant donné l’état du cerveau on pourrait en déduire la pensée ou le sentiment correspondant, ou qu’étant donnée la pensée ou le sentiment on pourrait imaginer d’en déduire l’état du cerveau. » Ni M. Vacherot, ni M. Janet, ni aucun philosophe spiritualiste ne conteste la réalité d’une telle liaison entre « deux ordres de phénomènes constamment associés, réciproquement causés ; cette étroite liaison n’empêche pas de les considérer comme incomparables et irréductibles. »

Le savant champion de la médecine spiritualiste met une certaine ardeur à protéger cette doctrine uniciste que personne aujourd’hui ne songe plus à attaquer. Il a, certes, plus d’alliés, et d’alliés embarrassants, que d’adversaires : et parmi ces alliés, dont M. Chauffard ne recherche guère l’assentiment, il faut compter les matérialistes, les transformistes, qui poussent la logique de l’idée uniciste jusqu’à l’extrême et qui en font un usage que l’animiste condamnerait. En comblant le fossé qui sépare les phénomènes supérieurs des phénomènes inférieurs de la vie, l’unicisme abaisse les premiers au niveau des autres et les soumet à la même basse domination des conditions matérielles. Un pas de plus, et l’âme, confondue avec la vie, sera confondue avec les forces physiques. Nous savons bien que le but de M. Chauffard est tout contraire, qu’il prétend relever l’ordre des faits corporels à la dignité des faits supérieurs et spiritualiser le fait vital au lieu de matérialiser le fait psychique.

À être uniciste, on ne se compromet guère. On admet un principe unique pour toutes les formes de l’activité humaine : mais ce principe peut être aussi bien l’âme ou la force vive matérielle.

Il faut donc aller plus loin que l’unicisme ; il est nécessaire de préciser la nature du principe animateur d’où découlent toutes les mani-