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dastre. — le problème physiologique de la vie

mais quelquefois en polémiste, mêlé à quelque degré aux querelles de son temps. Les préoccupations infiniment respectables auxquelles il obéit n’ont qu’un tort : c’est d’être étrangères au sujet qu’il traite et de n’y pouvoir être introduites que par un abus, que l’abus contraire ne saurait justifier. La science n’a point de parti que celui de la vérité, et la vérité n’a pas de passion, pas de but qu’elle-même et pas de responsabilité dans les excès qui la compromettent ; les exagérations en sens opposés de quelques étudiants en médecine expirent au seuil de cette demeure glaciale et éternellement sereine.

Quels arguments reste-t-il donc en faveur de l’unicisme ? Ces arguments ne sont pas nouveaux. Etrangers à l’ordre de la science proprement dite, où tout marche et progresse, ils n’ont pas vieilli. Qui voudrait dire autrement qu’Aristote avec la science d’Aristote ? Les raisons que l’unicisme a invoquées sont tirées de la convenance et de la simplicité de cette doctrine, opposées à la complication, à l’insuffisance, à l’arbitraire ou même à l’obscurité des systèmes adverses, tels que le vitalisme. M. Chauffard les reproduit sous une forme vive et oratoire. Il s’élève avec chaleur contre cette libéralité ontologique des causes dont faisaient preuve les vitalistes en accordant à l’homme, pour ainsi dire, deux âmes de dignité différente : l’une, le nous de Pythagore, âme de première majesté, âme spirituelle, cause de la pensée et siège de la raison ; l’autre, la Psyché des anciens, âme de seconde majesté, âme animale, principe des mouvements vitaux, cause de la vie et donnant au corps le souffle et l’animation. Un principe unique d’animation n’est-il pas plus simple et plus magistral que cette superposition de principes premiers ?

Lorsque l’on envisage l’homme dans son entière et pleine activité, ne voit-on pas que le principe de la pensée y est condamné tout au moins à une coexistence et à des rapports incessants avec la vie ? L’homme n’est jamais vie sans pensée, ni pensée sans vie : la vie et la pensée s’y entremêlent incessamment, se complétant l’une par l’autre. Par quelle illégitime fiction voudrait-on concevoir séparément ce qui se montre toujours uni ? D’ailleurs les observations des expérimentateurs et des médecins, venant après celles des philosophes et même des poètes tels que Lucrèce, ont montré sous assez de formes cette étroite dépendance entre la vie de l’âme et la vie du corps. Que le développement de l’organe cérébral soit contrarié par l’ossification prématurée des parois crâniennes, que la couche corticale des hémisphères soit comprimée par un agent extérieur, qu’elle soit irritée par une inflammation diffuse, qu’elle soit altérée par la stéatose alcoolique, qu’elle soit surabondamment arrosée par le