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dastre. — le problème physiologique de la vie

asymétrie moléculaire seraient les trois caractères de la matière organique. Pour quelques savants, un seul de ces caractères suffirait, par exemple l’asymétrie : et nous voyons M. Gaudin affirmer que « : le manque de symétrie dans l’axe dénote une intention formelle, ou, pour mieux dire, une toute-puissance créatrice ? » Nœgeli place ailleurs le signe distinctif de la molécule protoplasmique, dans la double réfringence qu’elle présente ? Le verrons-nous dans sa complexité atomique, dans son instabilité ? Ces caractères isolés contribuent, mais ne suffisent pas à définir l’organisation ; toutefois, ils la rattachent tous au monde physique. M. Chauffard, au contraire, suivant sa tendance constante, prétend soustraire l’organisation au monde physique. Avant que la science ait pénétré le secret de la constitution moléculaire de la substance vivante, bien des jours s’écouleront et bien des ouvrages comme celui de M. Chauffard seront tombés dans l’oubli. Ce n’est pas assez : cette échéance lointaine est encore trop proche au gré de notre auteur : la constitution physique de la matière vivante une fois connue, il déclare que nous ne connaîtrons point pour elle l’organisation. L’organisation est faite pour n’être pas connue : ce n’est point un état moléculaire, une constitution physique, un arrangement matériel ; c’est la vie même, c’est l’état du corps vivant en tant qu’il vit et pendant qu’il vit. Autant vaut rayer le mot d’organisation du dictionnaire biologique et lui substituer purement et simplement le mot de vie.

Ce n’est plus la matière du corps vivant qu’il nous faut considérer maintenant ; c’est le corps lui-même, l’être animé. Le trait le plus remarquable de cet être, c’est son caractère évolutif. Il est en voie de changement continuel : il naît et périt ; il se forme, s’accroît, se complique, puis il décline et disparaît après avoir suivi une marche fixe et réalisé un plan prévu d’avance. Tout au contraire, l’être brut, minéral ou sidéral, serait impérissable, incorruptible, immuable. Une telle opposition n’est pas rigoureuse. Ne savons-nous point que tout se détruit à la surface de la terre, et que tout se modifie dans les profondeurs des cieux ? Les observateurs qui au xviie siècle braquèrent sur le ciel la première lunette que Galilée venait d’inventer furent frappés d’étonnement en voyant changer cette voûte céleste qu’ils croyaient incorruptible, et en apercevant une étoile nouvelle qui prenait rang dans la constellation du Serpentaire. Depuis lors, le système cosmogonique de Laplace est devenu familier à tous les esprits cultivés, pt chacun est habitué à l’idée d’une mobilité, d’une évolution continuelles et d’une extinction finale des corps sidéraux.

Cette évolution est sans doute infiniment lente, par rapport à notre vie pressée. Mais le chêne de nos forêts est aussi un être