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philosophique qui a longtemps ralenti sa marche ; l’immixtion des spéculations métaphysiques dans l’étude des phénomènes vitaux est stérile et funeste. Autant il serait absurde de nier expressément, doctrinalement l’ordre entier des conceptions métaphysiques, autant il importe de le séparer de l’ordre des vérités expérimentales. »

M. Chauffard proteste avec éloquence contre ce parti pris de séparer de l’ordre purement scientifique ce qui est d’ordre purement philosophique. Tout s’enchaîne et se commande dans l’homme, et c’est, à l’estime du savant médecin, une misérable science, mutilée, incomplète, que celle qui, restant confinée dans l’étude des faits, s’interdit d’approcher de la raison des choses, c’est-à-dire de la cause supérieure des phénomènes de la vie.

Cette considération des causes supérieures, M. Chauffard dépense autant d’efforts pour l’introduire dans la science de la vie que Cl. Bernard pour l’en chasser. L’ardent professeur donne des ailes à la physiologie, et il lui ouvre, au lieu des laboratoires infimes et bas, quelquefois malsains, où elle végète, les espaces brillants de l’empyrée métaphysique.

La suite nous apprendra lequel de ces guides est le meilleur à suivre : mais, en tout état de cause, il est indispensable d’avoir présents à l’esprit le dissentiment profond et la diversité initiale des vues qui ont inspiré les deux ouvrages que nous analysons. C’est là en effet, dans cette manière différente de comprendre la méthode, le but et les ambitions légitimes de la physiologie, que sont contenues en germe les dissidences dont nous suivrons le développement.


I

M. Chauffard se défend d’émettre une doctrine nouvelle. Il déclare s’en tenir aux conceptions déjà éprouvées et consacrées par l’assentiment des grands législateurs de la pensée humaine. Son adhésion, dit-il, est acquise aux enseignements traditionnels des écoles médicales, et toute son ambition ne va qu’à rajeunir ces enseignements en leur donnant un accent et des développements nouveaux. Dégager ces doctrines de tous les alliages laissés par la domination successive et toujours corruptrice des systèmes, les présenter épurées, assainies et mises en harmonie avec la science moderne, voilà les seuls progrès que le savant médecin prétend réaliser.

Que sont ces antiques doctrines que l’on nous promet de renouveler et de rajeunir ?

Il nous faut, pour répondre à cette interrogation, prendre les