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Réponse de M. V. EGGER


Deux mots seulement, mon cher directeur, au sujet de la note de M. Joyau.

D’abord, le fait : je n’avais pas lu VELPEAU, mais vu ; lire, c’est traduire l’écriture visible en sons ; je l’avais vu, dis-je, ou plutôt, après avoir vu (et mal vu) l’affiche, j’avais aperçu ce nom dans le champ visuel intérieur, là où se peignent les visa faibles subjectifs. C’est pourquoi il n’y a pas de « série plus ou moins longue d’associations latentes » ; il n’y a que deux faits, un suscitant, visum objectif confus, un suscité, visum subjectif net.

Est-ce pour expliquer la préférence donnée par mon (imagination au nom de Velpeau sur tout autre mot analogue que cette série d’associations est nécessaire ? Mais il suffisait que ce nom fût dans ma mémoire à quelque degré, car aucun mot n’est plus proche du suscitant V..L..PAU que le suscité. Je rappelle les deux causalités invoquées dans ma note : l’analogie à l’antécédent immédiat et l’identité à un préantécédent dont la date est indéterminée. Cette double causalité n’est pas seulement la loi des lapsus, mais la loi de tous les souvenirs. Formulons-la avec précision :

Pour qu’une pensée revienne à la conscience, deux conditions sont nécessaires : 1° elle doit avoir un rapport avec la pensée qui la précède immédiatement ; ce rapport est ou un rapport de temps (simultanéité ou succession lors de la première apparition) ou un rapport de nature (analogie, identité partielle) ; 2° elle doit avoir par elle-même une tendance plus ou moins forte à être reproduite ; cette tendance est créée et augmentée par le nombre des actes d’attention ou des moments de conscience relatifs à cette pensée, par la durée et l’intensité de chacun d’eux, en résumé par la quantité de conscience qui a été appliquée à cette pensée ; en revanche, cette tendance diminue proportionnellement au temps dans l’intervalle des moments de conscience. Une pensée conservée hors de la conscience possède donc une tendance à être reproduite, qui diminue sans cesse, mais qui est renforcée par chaque reproduction. Pour qu’une pensée soit reproduite, si la tendance est faible, il faut que l’analogie à l’antécédent soit très-forte ou le rapport de temps très-étroit ; si la tendance est forte, il suffit d’une analogie faible ou d’un rapport de temps faible.

Dans le cas qui nous occupe, l’analogie étant au maximum, une tendance faible suffisait, et, de fait, la vie et les œuvres de Velpeau n’ont jamais beaucoup préoccupé mon esprit. Si l’analogie avait été faible, j’aurais dû chercher dans ma mémoire quelque circonstance capable d’avoir, les jours précédents, réveillé et augmenté la tendance, Cette recherche était inutile ; je l’ai faite pourtant, par conscience, et je n’ai rien trouvé.

Peut-être ai-je eu tort de décomposer le lapsus lettre à lettre pour