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sance que si elles ne présentaient pas de lacune. En effet, à l’occasion des caractères que nous percevons, l’association des idées suggère, par analogie, des mots où les mêmes éléments se trouvent réunis.

Lorsque nous sommes entièrement attentifs, que nous comprenons bien l’ordre et l’enchaînement des idées qui nous sont proposées, et que notre esprit suit lui-même un cours semblable, l’association nous présente immédiatement le mot qu’il faut lire. Mais il n’en est pas toujours ainsi. Selon les habitudes, les tendances de notre esprit ou les préoccupations auxquelles nous sommes en proie, l’association nous suggère un autre mot, car le nombre est grand des mots qui présentent entre eux de grandes analogies : voilà pourquoi il nous arrive si souvent de mal lire. Toutefois, lorsque nous lisons une phrase suivie, imprimée, manuscrite ou sténographiée, si un mot a d’abord été mal lu, nous ne tardons pas à nous en apercevoir, parce qu’il ne s’accorde pas avec le reste de la phrase. Cette contradiction éveille notre curiosité, nous revenons sur nos pas, nous redoublons d’attention, et, après un nombre plus ou moins long de conjectures, nous parvenons à restituer le véritable texte. Ce secours du contexte, qui nous avertit de notre erreur et nous met sur la voie de la vérité, nous fait défaut lorsque nous lions un mot isolé, une enseigne, une ligne d’une affiche ou d’une inscription : aussi l’erreur dans ce cas est-elle beaucoup plus fréquente.

Enfin, pourquoi certaines lettres, et certaines lettres seulement, ont-elles été bien lues par M. Egger ? C’est une théorie bien connue, et développée surtout, si je ne me trompe, par Hamilton et M. Herbert Spencer, que l’objet propre de la perception c’est le différent, ou du moins que rien ne produit autant d’impression sur nos sens que les différences. Voilà pourquoi, dans une inscription en grosses lettres, nous percevons nettement les premières et les dernières lettres qui se détachent vivement sur le fond. C’est pour la même raison que M. Egger a remarqué les lettres LPA : ces lettres, en effet, par suite de leur forme, produisent toujours un blanc, écartent la lettre suivante, tandis que les lettres pleines, telle que B, D, E, G, R, O, remplissent entièrement leur place et produisent une impression uniforme et quelque peu confuse. Tout le monde sait encore que l’impression en caractères gras et larges, où les lettres se détachent clairement du fond et les unes des autres, se lit plus aisément que l’impression en caractères longs et minces.

Tels sont donc les éléments dont disposait M. Egger : VLPAU : si à cette occasion son esprit a pensé au nom célèbre de M. Velpeau, c’est évidemment en vertu d’une série plus ou moins longue d’associations latentes dont il eût été, sans doute, intéressant pour lui de chercher à remonter le cours.

Nous expliquons exactement de la même manière les lapsus si fréquents de l’ouïe. Les cas sont rares, en effet, où nous percevons clairement tous les mots, toutes les syllabes, où nous comprenons toutes