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qu’ait atteinte les races inférieures est le sentiment de crainte et d’admiration à regard du héros, c’est-à-dire de l’homme fort, le plus brave de la tribu, son défenseur contre les tribus ennemies (on trouve même dans cette première forme les traits essentiels de ce sentiment, mélange d’amour et de crainte). 2° Le plus fort devient ordinairement le chef, le roi absolu, bienfaisante et terrible. La vénération pour ce roi sauvage marque un second moment dans l’évolution du sublime. 3° Mais le roi mort ne disparaît pas totalement. Son ombre, son esprit ou son double, reste terrible pour ses sujets et son propre successeur : il devient un Dieu, et le sentiment qu’il inspire est une troisième forme du sublime. 4° Jusqu’ici, le sentiment du sublime a été éveillé par des hommes ou des êtres quasi-humains ; il s’adresse plus tard à la nature, mais tout d’abord sous la forme anthropomorphique. Les phénomènes naturels sont divinisés (Zeus tonnant, Poséidon qui ébranle la terre, etc.). Partout et toujours, c’est le même sentiment de subordination. — Dans le développement historique du sublime, nous n’avons examiné qu’un facteur : la force. Il y en a un autre qui a rapport à la forme : c’est la grandeur, la masse (les Pyramides, les temples de Karnac, etc.). L’auteur fait remarquer à ce sujet combien le sentiment du sublime dans la nature a manqué aux anciens (les grandes montagnes, les glaciers, la mer, etc.). Tous nos esprits modernes ont été, par l’éducation, tellement habitués à l’idée d’un Dieu créateur, que les spectacles sublimes de la nature conduisent toujours à quelque vague métaphore religieuse, et que toute impression grandiose ramène à Dieu d’une manière inconsciente. — La conception scientifique de l’univers tendant de plus en plus à faire disparaître l’idée d’un Dieu créateur, la conception du sublime disparaîtra-t-elle aussi ? L’auteur donne des raisons pour la négative : ce sentiment se transformera.

D. Greenleaf Thompson. Intuition et Inférence (1er  article). — On regarde généralement l’intuition comme primaire et fondamentale, l’inférence comme secondaire et surajoutée, et on se plaît à attribuer à la première une connaissance supérieure et incontestable. La différence entre les deux se réduit à l’opposition entre l’immédiat et le médiat, le présentatif et le représentatif, — Dès le début de la conscience, il n’y a guère de connaissance représentative qui n’implique un élément présentatif. L’auteur le montre pour la connaissance du moi, du non-moi, pour le cas où il y a pluralité de sensations, pour la perception des objets extérieurs, pour les idées abstraites. Les termes être, temps, espace, substance, mouvement, puissance, force, infini, absolu, beau, vrai, bien et autres semblables sont au plus haut degré représentatifs, par conséquent sont médiats et ne sont pas intuitifs.

Sidgwick. Le Caractère négatif de la logique. — C’est un danger pour les commençants de concevoir la logique sous un aspect trop positif. Suivant l’excellente comparaison de Mill, la logique n’a qu’un rôle à jouer : celui de juge. Son but n’est pas de trouver des arguments ou des conclusions, mais d’examiner leur validité ; son métier est de