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analyses. — horwicz. Psychologische Analysen

objective des choses, mais seulement celle d’un facteur inconnu qui impose à notre esprit certaines règles dans la considération des choses. Cet x peut tout aussi bien être le monde que le moi transcendant de l’École de Fichte, ou la volonté de Schopenhauer qui crée à la fois la matière et les lois de la pensée. Aussi la conclusion formulée par M. Horwicz en ces termes : « Non-seulement nos sensations, mais encore l’inconnu au delà de notre sensibilité se trouve régi par des rapports permanents de similitude et de différence, » cette conclusion, disons-nous, ne ressort pas suffisamment des prémisses.

Cette lacune considérable dans l’argumentation de M. Horwicz n’est pas remplie par les développements subséquents que nous nous contentons de résumer autant que nous le permettent l’obscurité et la diffusion toujours croissantes du raisonnement.

De l’objectivité des ressemblances résulte celle du général : le général n’est en effet autre chose que l’élément commun qui engendre la similitude. Comment maintenant percevons-nous la présence de cet élément commun ? Il ne suffit pas qu’aux mêmes excitations externes correspondent les mêmes impressions subjectives ; il faut, pour que le souvenir se produise, que le sujet pensant oppose l’ancien au nouveau, qu’il y ait aperception de l’identité des impressions. Mais qu’est-ce que cette aperception ? Sur ce problème insondable, comme la plupart de ceux qui touchent aux mystères de la conscience, les analyses de M. Horwicz ne jettent pas une grande lumière. Après avoir invoqué l’autorité de Platon, d’Aristote, de Spinoza, de Kant[1], il finit par conclure que la conscience et la vie sont deux phénomènes connexes et inséparables, et que l’aperception n’est que la conscience à son plus haut degré de netteté.

Trois questions restent encore à résoudre :

1° Comment connaissons-nous le moi ?

2° Qu’est-ce que le temps et l’espace ?

3° Que savons-nous du monde extérieur ?

1° L’acte du souvenir implique l’opposition de l’ancien et du nouveau. Mais l’ancien, c’est-à-dire cet ensemble d’idées et d’habitudes qui forme comme le fond de la conscience, est une sorte de « moi partiel » dans le temps. Semblablement, chacune des parties de l’organisme vit par elle-même, constitue une unité inférieure, une sorte de « moi partiel » dans l’espace. De ces deux séries de « moi partiels » dérive la notion de c moi général », unité de résultante plutôt qu’unité élémentaire, mais qui est quelque chose de plus qu’une simple abstraction, savoir une réalité vivante dont nous prenons possession dans le fait de conscience. Ici, l’abîme entre la pensée et la réalité est comblé en un point : dans la conscience du moi, le sujet et l’objet se confondent. Le

  1. « Notre connaissance dérive de deux sources fondamentales : la première est le pouvoir de recevoir des représentations (réceptivité des impressions) ; la seconde est celui de connaître un objet au moyen de ces représentations (spontanéité des concepts). » (Crit. de la Raison pure, éd. Kirchm., p. 98.)