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analyses. — horwicz. Psychologische Analysen

Ainsi, tant que nous envisageons la pensée en dehors, nous devons décider que son exercice n’exige aucun élément matériel autre que les opérations les plus rudimentaires. L’analyse psychologique nous conduira-t-elle au même résultat ?

II. La pensée, avons-nous dit, est un mode d’activité dirigé vers la production de la connaissance ; mais cette production implique une recherche, un effort, bref, la solution d’un problème. Où la pensée trouve-t-elle ses problèmes ? Évidemment la plupart lui viennent d’impressions sensibles. Un homme se promène ; tout à coup, sa vue s’arrête sur un objet sombre placé le long de la route. Il se demande : Qu’est cela ? Un moment après, il s’aperçoit que c’est un chien. Que fait ce chien, se demande-t-il ? Il est mort. Mort de quoi ? de maladie ou sous le bâton ? qui l’a tué ? pour quelle raison ? etc. Voilà évidemment un cas où une impression sensible a été le point de départ d’une chaîne d’idées. Mais à quelle condition notre attention sera-t-elle assez fortement attirée pour que cette chaîne prenne naissance, pour que le germe de pensée ne se perde pas dans le mélange confus de sensations diverses qui s’agitent continuellement en nous ? Il faut : 1° que nos sens aient été vivement affectés (directement ou par le souvenir) ; 2° que l’objet perçu soit nouveau ou inattendu, tout en se rattachant à un ensemble d’idées qui nous soient déjà familières.

Il est des occasions où la part de la sensation est moins visible, où la pensée semble exclusivement théorique, désintéressée. Quel intérêt immédiat pouvons-nous avoir, par exemple, à apprendre la démonstration du théorème de Pythagore, ou à nous enquérir de la nature du soleil ? Un très-grand intérêt, répond M. Horwicz, pourvu que nous considérions ces problèmes non pas isolément, mais dans leur enchaînement avec l’ensemble de la science dont ils font partie, et cette science particulière elle-même dans ses rapports avec les autres parties de l’édifice de la science en général. Ici, l’intérêt des détails provient, comme par une sorte de participation, de celui du tout ; et cette curiosité même qui nous porte vers le but suprême de toute science n’est-elle pas, pour le moins, aussi morale que théorique ? n’est-ce pas un problème essentiellement pratique, à savoir la manière de régler notre vie, qui est au fond de toute notre soif de science ? « Il n’y a donc pas lieu de distinguer une pensée théorique et une pensée pratique : il n’y a qu’une manière de penser, qui, dans son origine, essentiellement pratique, c’est-à-dire issue de sentiments et tendant à des sentiments, s’élève peu à peu vers des objets d’un intérêt de plus en plus général, sans perdre jamais, même à l’apogée de son développement, la marque de son caractère primitif et sensible » (p. 79).

Nous savons d’où naissent les problèmes de la pensée ; quels sont maintenant ces problèmes ? En présence d’un objet nouveau, est-il vrai que la première question qui se présente soit celle-ci : Qu’est-ce que cela ? N’est-ce pas plutôt l’idée de notre propre préservation qui s’impose d’abord à l’esprit sous cette forme brutale : Que faire ? Cette