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l’espace extérieur disparut en même temps que la conscience de la force extérieure, correspond à cette conclusion d’après laquelle nous déduisons les idées d’espace en observant des positions résistantes dont les relations sont mesurées par les sensations d’effort musculaire[1]. En outre, il faut noter le fait qu’un sentiment vague de relations de position à l’extérieur du corps a survécu ; en effet, nous avons inféré que c’est par l’exploration mutuelle que s’obtient la connaissance des relations entre les parties du corps donnant les mesures au moyen desquelles nous acquérons la notion développée d’espace extérieur.

Nous avons là une nouvelle preuve que le moi peut être successivement dépouillé de ses éléments supérieurs, jusqu’à ce qu’enfin les sensations produites par les battements du cœur constituent à elles seules le moi conscient, montrant en premier lieu que le moi conscient est toujours composé en réalité de tous les états de conscience présentatifs et représentatifs alors existants, et en second lieu que le moi peut être simplifié jusqu’à perdre la plupart des éléments qui composent la conscience de l’existence physique ; d’où l’on peut inférer que la conscience est à l’origine un composé rudimentaire de sensations présentes, sans passé ni futur.

Enfin nous tenons un témoignage frappant qu’il existe une forme de conscience inférieure à celle que présente la dernière forme de la pensée. L’acte intellectuel le plus simple implique la connaissance d’une chose comme telle ou telle, implique la conscience de cette chose comme d’une chose déjà observée ou en d’autres termes comme appartenant à une certaine classe d’expériences. Mais ici nous avons la preuve d’une phase tellement inférieure que l’impression reçue n’est pas classée dans la conscience : elle est reçue passivement, et il n’y a pas l’activité requise pour la connaître comme telle ou telle.

Herbert Spencer.
  1. Principes de psychologie, §§ 343, 348.