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NOTES ET OBSERVATIONS


LA CONSCIENCE
SOUS L’ACTION DU CHLOROFORME



Un gradué de l’Université que ses études en psychologie et en philosophie ont rendu capable de se bien rendre compte de la portée de ses expériences m’a fourni le récit suivant des sentiments et des idées qui lui survinrent pendant qu’il avait perdu conscience et pendant que la conscience lui revenait.

Mon correspondant, qui se dit très-sensible à la beauté féminine, explique que « la jeune fille » nommée dans le cours de sa description lui était inconnue ; il l’avait rencontrée dans le train en venant à Londres chez le dentiste. Il dit que son système résista tellement à l’influence du chloroforme qu’il fallut vingt minutes pour amener l’insensibilité ; il éprouva donc pendant un temps plus long que cela n’a lieu d’ordinaire une hyperesthésie partielle au lieu de l’anesthésie.

Après avoir spécifié les sensations terribles qui se produisirent bientôt, il continue ainsi : « Je commençai à éprouver une terreur telle qu’elle m’eût paru impossible auparavant. Je fis un effort involontaire pour quitter la chaise, et ensuite je m’aperçus soudain que mes regards se perdaient dans le vague. Tandis que mes poumons s’embarrassaient, les objets extérieurs dans la chambre avaient disparu, et j’étais seul dans les ténèbres. Je sentais s’appesantir sur mon bras une force qui n’agissait pas comme « la main » du chirurgien, mais simplement comme une pression extérieure ; elle me maintenait ; ce fut elle qui vainquit toute résistance et ce fut le dernier phénomène défini (odeur, son, vision ou toucher) en dehors de mon corps dont je me souvins. Immédiatement après, je fus saisi