Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, VI.djvu/38

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
28
revue philosophique

sances dans une ville ou dans un pays, avec l’indication des naissances masculines et féminines ; telle est encore la série que présente une table de mortalité avec l’indication de l’âge atteint par chacun des individus décédés ; on formerait encore une série de même genre en inscrivant dans une table la mesure de la taille ou du poids de tous les hommes d’un certain âge appartenant à un certain pays. Chaque série de cette classe présente une analogie remarquable avec une série convenablement choisie dans la première classe. Ainsi la série des naissances masculines et féminines ressemble fort à la série des coups du jeu de pile ou face[1] Nous avons vu qu’au jeu de dés ordinaire le point 7 est celui qui revient le plus souvent ; les autres sont d’autant plus fréquents qu’ils se rapprochent davantage de ce point 7 ; les points extrêmes (2 et 12) sont les plus rares. De même pour la série relative à la taille des hommes. La taille la plus fréquente est une certaine taille que l’expérience fait connaître. Les autres sont d’autant plus fréquentes qu’elles se rapprochent davantage de cette taille-là. Les tailles extrêmes sont les plus rares. La ressemblance pourtant n’est pas parfaite. Dans les séries de la seconde classe ou séries naturelles le principe de continuité s’applique généralement. Peut-être n’y a-t-il jamais eu deux vies qui aient été mathématiquement égales en longueur ; peut-être serait-il impossible de trouver deux hommes dont la taille fût précisément égale ; mais, si Ton néglige des différences infiniment petites, l’analogie reparaît avec une pleine évidence.

La troisième classe de séries est intermédiaire entre les deux premières. Ici, chaque événement est amené par une combinaison de causes naturelles avec la libre volonté de l’homme. Tirez 10 coups contre une cible en visant avec toute l’attention dont vous êtes capable ; peut-être aucun de vos coups n’atteindra-t-il exactement le centre. Chaque marque en sera plus ou moins éloignée ; les marques les plus rapprochées seront les plus nombreuses ; et les marques également distantes du centre seront d’autant moins nombreuses que la distance au centre sera plus grande. Mesurez 10 fois, 20 fois, 100 fois de suite la même longueur, le même angle, etc., vous aurez des séries d’essais qui donneront lieu à des observations analogues. Dans tous ces cas, vous formez des séries qui ne sont pas sans analogie avec la série formée par la mesure de la taille d’un homme. Il y a pourtant une bien grande différence. Rien n’autorise

  1. Avec cette différence pourtant que le nombre des naissances masculines ne se trouve pas dans une longue suite d’observations égal au nombre des naissances féminines. Ces deux nombres sont l’un à l’autre comme 106 est à 100.