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« substance dans le désir et c’est le désir, qui fait le réel de l’expérience même de la volonté. » Au-dessus de la loi des causes efficientes s’élève donc la loi des causes finales, qui seule rend la première intelligible.

Avec le désir, touchons-nous le fond de l’activité, et par conséquent de la conscience ? Lui-même ne suppose-t-il pas « comme un fond plus reculé » ? L’objet du désir est extérieur ; avant de le posséder, on ne le connaît pas. Comment comprendre qu’en l’âme se produise le désir de l’inconnu ? Il n’y a qu’une solution à ce mystérieux problème, solution mystérieuse elle-même : c’est d’admettre au delà du désir et comme son principe l’amour, qui déjà possède la fin qu’il poursuit, qui la contient en lui-même, qui en est comme rempli, mais dont l’insatiable ardeur ne saurait se satisfaire que par l’infini. « Pour désirer, il faut que, sans le savoir, on se complaise par avance et se repose dans l’objet de son désir ; qu’on mette dans lui en quelque manière son bien propre et sa félicité, qu’on se pressente en lui ; qu’on s’y sente au fond déjà uni ; et qu’on aspire à s’y réunir encore, c’est-à-dire que le désir enveloppe tous les degrés de l’amour. » — « Après avoir trouvé l’âme dans une tendance ou désir immortel, qui se détermine soi-même incessamment, comme une loi vivante, à une suite réglée de manifestations extérieures du fond de l’éternel amour, demandera-t-on encore au delà un sujet absolument passif ?… Le substrat passif des phénomènes n’est qu’une abstraction, et il n’y a de réalité véritable que dans l’activité interne de l’esprit. »

Si nous cherchons maintenant non plus ce que nous sommes, mais de quelle manière la cause qui est nous-même fait ce qu’elle fait, « nous trouvons que son action consiste dans la détermination, par la pensée, d’un ordre ou d’une fin à laquelle concourent et s’ajustent des puissances inconnues, qu’enveloppe, latentes, notre complexe individualité. Nous nous proposons tel objet, telle idée ou telle expression d’une idée : des profondeurs de la mémoire sort aussitôt tout ce qui peut y servir des trésors qu’elle contient. » Ici encore, nous trouvons que la loi des causes efficientes se subordonne à la loi des causes finales. Malebranche insistait déjà sur le mécanisme compliqué qui se met en mouvement avec une précision docile, au moindre appel de notre volonté. Comme en agissant nous obéissons à l’amour, ainsi ces activités multiples obéissent à une tendance secrète, à un vague attrait, qui les pousse à contribuer pour leur part à la réalisation d’un bien, à se subordonner au meilleur, et à chercher dans cette soumission l’accomplissement de leur destinée. En nous prouvant à quelles profondeurs insondables pé-