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ait tourné pile ou face) ; la troisième contient le reste des circonstances du groupe (que la pièce soit d’or ou d’argent ; qu’elle ait été jetée par Pierre ou Paul, etc.). La troisième classe est sans intérêt pour nous. Nous nommons événement l’ensemble des deux premières classes ; nous nommons la seconde classe manière dont l’événement se produit. Maintenant, si nous considérons chacun des événements de la même série à un autre point de vue, nous trouvons que chacun d’eux nous présente un objet (ici la pièce de monnaie) et avec cet objet un ensemble de forces qui agit sur lui pour produire l’événement et que nous nommons l’agent (ici l’ensemble des forces de toute sorte qui fait mouvoir la pièce jusqu’au moment où elle reste immobile). L’agent lui-même se compose d’un ensemble de forces communes à tous les cas et d’un ensemble de forces particulières à chacun des cas considérés. Si ce second groupe de forces n’existait point, en d’autres termes si l’agent était toujours de même, la série se composerait de cas tous identiques entre eux ; mais, dans chaque cas, l’agent varie ; seulement il varie de manière que la proportion des événements qui arrivent d’une certaine manière soit toujours la même. Comme c’est ici le point fondamental de toute la théorie, il convient d’entrer dans quelques explications.

Si tout était irrégulier dans la série que nous considérons, cette série ne saurait devenir un objet de science, mais tout en elle n’est pas irrégulier. Je jette une pièce en l’air 10 fois de suite, et je note le résultat de chaque expérience. J’observe que pile et face se sont succédé fort irrégulièrement ; je compte le nombre des faces, et je trouve 6 : je divise ce nombre 6 par le nombre total des expériences 10, et je trouve la fraction, — Je jette maintenant ma pièce en l’air 100 fois de suite. Même irrégularité dans la succession des piles et des faces. Je compte le nombre des faces, et je trouve 52 ; 52 divisé par 100, nombre total des expériences, donne la fraction — Je jette ma pièce en l’air 1,000 fois. Toujours même irrégularité dans la succession des piles et des faces. Je compte le nombre des faces, et je trouve 497, qui, divisé par 1,000, donne la fraction . Étudions maintenant les 3 fractions obtenues de la sorte, . Ces trois fractions sont toutes trois très-voisines de . Les deux premières diffèrent de autant l’une que l’autre ; la troisième diffère moins de que n’en diffèrent les deux premières. À mesure que je multiplie les expériences, la loi que nous entrevoyons maintenant se précise et s’établit. Le rapport du nombre des événements d’une certaine espèce au nombre total des événements tend vers une certaine limite. Remarquez bien que ce qui tend vers une limite c’est le rapport que nous venons d’indiquer ; si vous considériez