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plusieurs anatomistes sont-ils d’avis qu’il faut doubler ces chiffres. Or, l’écorce cérébrale n’a qu’un millimètre et demi d’épaisseur, et tout l’encéphale, toute la moelle se compose pareillement de cellules et défibres ; jugez de leur nombre. Quant à leur enchevêtrement, il est prodigieux. Ramifiée comme le chevelu d’une plante, chacune des trente et une paires de nerfs spinaux vient se jeter dans la moelle, et, par la moelle, communiquer avec l’encéphale ; ajoutez-y les douze paires de nerfs crâniens qui se jettent directement dans l’encéphale : cela fait un tissu continu et compliqué d’innombrables fils blancs et d’innombrables mailles grises, une corde aux myriades de nœuds qui remplit le tuyau vertébral, un peloton aux millions de nœuds qui remplit la boîte crânienne. Comment dévider un pareil écheveau ? — Dans le tuyau et jusque dans l’entrée de la boîte, on est parvenu à suivre à peu près la marche ascendante ou descendante du courant nerveux, et l’on a pu constater avec une certitude suffisante les fonctions des divers cordons ou noyaux gris ou blancs de la moelle, du bulbe et même de la protubérance. Mais au delà, notamment entre la protubérance et les hémisphères, les expériences sont plus difficiles, l’interprétation à laquelle elles se prêtent est plus incertaine, les savants spéciaux ne sont pas d’accord. Sur les ganglions intermédiaires ou collatéraux qui occupent la région moyenne ou postérieure de l’encéphale, sur les pédoncules cérébraux et leurs deux étages, sur les corps striés et leurs deux noyaux, sur les couches optiques, sur le cervelet, les recherches sont en cours d’exécution, et la théorie est plutôt indiquée qu’achevée. Il faut attendre qu’elle soit faite et stable : la psychologie ne devra se loger sur ce terrain physiologique que lorsque la physiologie y aura bâti. Néanmoins les jalons que nous avons posés suffisent pour marquer les lignes principales, et la correspondance entre l’action nerveuse et l’action mentale nous permet de conduire l’analyse au delà des notions que le microscope nous fournit.

Quoique l’appareil nerveux soit très-compliqué, les éléments dont il se compose sont très-peu nombreux, puisqu’il n’y en a que deux, le filet nerveux et la cellule. De plus, l’arrangement primordial de ces éléments est très-simple, car il consiste en une cellule et en deux filets nerveux, l’un afférent, l’autre efférent, tous les deux organes de transmission ; le premier transmettant jusqu’à la cellule l’ébranlement qu’il a reçu par son bout terminal, le second transmettant jusqu’à son bout terminal l’ébranlement qu’il a reçu de la cellule. Tel est l’instrument nerveux élémentaire ; quant à son emploi, c’est celui d’un rouage, et en général d’un premier rouage, dans une machine. Par son nerf efférent, il aboutit à un autre organe qu’il met