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analyses. — Flint. The Theism.

gions. Cet anthropomorphisme est en un sens légitime, puisque, par ses côtés élevés, l’homme n’est que l’image affaiblie des perfections divines ; mais il faut que la raison spéculative corrige ce qu’aurait de trop humain la notion d’un Dieu exclusivement père, juge et roi, en forçant l’esprit à le concevoir comme l’Être absolu et infini. C’est là, selon M. Flint, le service le plus considérable peut-être que la philosophie rende à la religion ; mais elle est exposée à tomber à son tour dans une autre erreur, en refusant de reconnaître aucune ressemblance entre l’homme et Dieu.

Il résulte de toutes ces considérations que la preuve théistique est très-complexe ; ce qui ne veut pas dire qu’elle soit très-difficile à concevoir. Les inductions qu’elle suppose sont parmi celles que l’esprit fait le plus naturellement. Nous nous élevons à la connaissance de Dieu par le même procédé qui nous élève à la connaissance de nos semblables. Nous ne percevons pas plus directement l’intelligence des autres hommes que nous ne saisissons immédiatement l’intelligence divine. Dans les deux cas, nous concluons de certains faits à leur cause. « Aucun être humain n’en a réellement vu un autre. Aucun sens n’a pour objet la volonté, la sagesse, la bonté. L’homme doit inférer l’existence de ses semblables, car il n’en a pas la perception immédiate ; il ne peut avoir quelque information sur leur caractère qu’en faisant usage de son intelligence, parce que le caractère n’est pas chose qu’on puisse entendre avec l’oreille, voir avec l’œil, toucher avec le doigt. Pourtant un enfant n’est pas longtemps à apprendre qu’un esprit est près de lui. Dès qu’il se connaît lui-même, il découvre facilement un esprit semblable au sien, autre néanmoins que le sien : il suffit pour cela que les signes d’une activité spirituelle se manifestent à lui. »

Il faut avouer cependant que le scepticisme à l’égard de l’existence de Dieu n’est pas rare, tandis qu’aucun homme n’a jamais raisonnablement douté de l’existence de ses semblables. C’est que si le procédé d’induction est identique de part et d’autre, les faits qui conduisent à la croyance en Dieu exigent, pour être convenablement interprétés, plus d’attention et de réflexion, un esprit plus large, plus impartial, plus élevé. D’où la possibilité de l’athéisme.

M. Flint réfute l’opinion que Dieu est connu par une intuition immédiate. La conception que nous avons de Dieu est complexe ; elle peut, par l’analyse, se ramener à des éléments plus simples ; preuve évidente qu’elle n’est pas le résultat d’une intuition. — De plus, toute connaissance intuitive est la même pour tous les esprits : qui voudrait soutenir que tous les hommes ont de Dieu la même idée ?

Dieu n’est pas davantage l’objet d’un sentiment immédiat : cette thèse, chère aux mystiques, M. Flint la déclare absurde. Le sentiment implique nécessairement la connaissance ; un pur sentiment, dégagé de tout élément intellectuel, est inconcevable et impossible ; une foi qui prétendrait ne rien devoir à l’intelligence est une monstrueuse chimère.

Non moins absurde est la théorie qui, par crainte de l’anthropomor-