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analyses. — dauriac. Notions de matière et de force

ne faut par s’arrêter au dynamisme pur que Kant, Charles de Rémusat, etc., ont professé. La force n’est qu’abstraction, si elle n’est pas esprit : d’ailleurs, ne savons-nous pas que tous les êtres sont homogènes ? donc tous les autres êtres sont des esprits comme nous. Nous sommes ainsi forcés de passer du dynamisme au monadisme de Leibniz. Au fond, tout est appétition et perception. L’affinité n’est-elle pas l’expérience d’une sorte d’instinct dont nous ne pouvons, à la vérité, déterminer le degré de conscience ? la monadologie cependant demande à être rectifiée sur un point. S’il est vrai que la notion d’un être qui agit sur un autre se ramène à celle d’une harmonie entre eux, cette harmonie n’est pas préétablie, ou du moins il n’y a que les bases de l’harmonie qui soient préétablies : par exemple pour que nos membres se meuvent, il faut que le corps soit capable d’obéir. C’est à la volonté ou au désir de faire le reste.

Partant de ces principes, l’auteur résout, d’une façon assez expéditive, les problèmes de la cosmologie rationnelle. Il croit que le monde est limité dans l’espace et dans le temps, qu’il est créé, et que Dieu n’a disposé les choses de la nature qu’en gros et d’une manière générale, si bien qu’il peut y avoir dans les êtres une « part d’indéterminisme » ; les lois de la nature se concilieraient de la sorte avec la spontanéité et la liberté.

M. Dauriac conclut que le mécanisme est le dernier mot de la science, mais qu’il ne représente qu’une moitié de la vérité ; car la science ne s’élève pas au-dessus de l’expérience. Il y a donc place pour un système qui, sans contredire l’expérience, la dépasse : c’est le dynamisme, ou mieux encore, c’est le monadisme de Leibniz.

Telle est à peu près la substance du livre de M. Dauriac. La place nous manque pour exposer en détail toutes les critiques qu’il nous paraît comporter, malgré ses réels mérites. Nous ne saurions en approuver ni le plan qui manque d’unité et qui a quelque chose de factice, ni certaines parties où la discussion est trop rapide et gagnerait à être approfondie. En revanche, les divers chapitres où M. Dauriac examine les principes de la science moderne sont bien conduits, intéressants et les conclusions nous en semblent judicieuses.

Nous ne saurions non plus souscrire aux principes métaphysiques par lesquels débute l’auteur, et où il nous est impossible de voir autre chose que des assertions non prouvées. Que nous ayons l’intuition de l’essence du moi, mais que nous concevions seulement celle du monde et celle de Dieu, — que l’homogénéité de tous les êtres soit exigée par la raison, — que tout ce qui existe doive exister pour soi, etc., voilà certes des affirmations qui demanderaient à être solidement établies, et qui ne le sont guère.

Quant au dynamisme auquel aboutit M. Dauriac, il comporte d’assez graves objections, celles — ci entre autres que nous reproduisons après M. Janet : comment expliquer, dans l’hypothèse dynamiste, que les corps puissent être mus ? si la force est ce qui meut, il doit y