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analyses. — dauriac. Notions de matière et de force

compose de molécules séparées par des pores ; or la notion de molécule prépare celle de l’atome, celui-ci étant à la molécule ce que la molécule est à la masse. Il y a plus : l’hydrogène ayant une densité pour ainsi dire insignifiante et l’éther étant impondérable, qui empêche d’imaginer que l’atome d’hydrogène est un atome d’éther en voie de transformation ? et, si l’on généralise, de ramener la matière pondérable au même genre que la matière subtile ? auquel cas il y aurait unité de matière.

Quoi qu’il en soit, les atomes, d’après le témoignage des savants les plus autorisés, sont des corpuscules inertes, impénétrables, étendus, et, en supposant qu’on puisse les diviser, ils se résolvent en d’autres atomes également inertes, impénétrables, étendus. Le nombre de ceux qui composent un corps donné est d’ailleurs fini ; car le nombre infini est une chimère. — À la conception des atomes se trouve liée celle du vide. Outre que les atomes d’éther en effet sont probablement sphériques, le vide est la condition du mouvement.

Ainsi donc, les atomes et le mouvement au moyen du vide, voilà les facteurs premiers du monde inorganique. Demandons-nous à la science quelle est la cause de ce mouvement ? elle se bornera à répondre qu’un mouvement est toujours précédé d’un mouvement et suivi d’un autre mouvement. Donc le mouvement est le phénomène ultime. Quant à la force, c’est le mouvement en puissance, de même que le mouvement est la force en acte. La science « plaide donc le mécanisme ».

Ici finit l’examen des sciences de la nature, l’auteur n’ayant pas jugé à propos, et nous le regrettons, d’aborder la biologie, pour la consulter à son tour.

Que faut-il conclure de tout cela ? n’aboutissons-nous pas à une insoluble antinomie entre la raison qui veut la force partout, et la science qui n’en veut nulle part ? cette antinomie se résoudra, si l’on détermine la véritable portée de la recherche scientifique ; n’est-il pas évident en effet que l’expérience est impuissante à établir aucune doctrine métaphysique ? la science qui veut être métaphysique, non-seulement contredit la raison, mais encore se contredit elle-même : aussi est-ce en vain que le matérialisme se réclame de la science. Outre qu’il est incompatible avec la loi d’inertie, sa conception de l’atome est inadmissible. Car il est inexact de soutenir qu’on ne peut rien imaginer de plus petit que l’atome, — l’imagination n’a pas de limites, — et, d’un autre côté, on ne pourrait prétendre sans contradiction que l’atome contient un nombre infini de parties, les idées dénombre et d’infini s’excluant réciproquement. Par conséquent le matérialisme, issu de la science, contredit la science et périt par elle.

Quelle est donc la signification des théories des sciences de la nature ? elles ont un caractère essentiellement phénoméniste. La raison se préoccupe des êtres, des réalités ; l’expérience des phénomènes, des apparences. Or il n’y a aucune contradiction à reconnaître un monde de phénomènes régi par des lois spéciales et un monde d’êtres gouverné