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analyses. — dauriac. Notions de matière et de force

Ces sciences ont pour objet les qualités dites secondes. Sont-elles secondes en effet dans le sens où l’entendent Descartes et les Écossais ? Non pas. Les arguments de Reid et de Hamilton sur ce point sont assez faciles à réfuter. Voir d’ailleurs, comme Descartes, dans l’étendue et le mouvement mathématiques, le principe de tous les phénomènes, c’est résoudre le concret dans l’abstrait ; en somme, les qualités premières ne sont autre chose que les qualités secondaires considérées dans leurs rapports abstraits. C’est donc à celles-ci, par conséquent c’est à la physique, de nous renseigner sur l’essence de la matière.

À la physique ancienne, toute peuplée d’entités (le calorique, le fluide électrique, etc.), s’est substituée la théorie de l’unité des forces qui a son point de départ dans la découverte de l’équivalent mécanique de la chaleur, découverte préparée par les travaux de Lavoisier, de Laplace, de Sadi Carnot, de Clapeyron, et accomplie par Mayer et Joule. La physique moderne date de là.

On y peut distinguer trois choses : des principes, des faits, et des théories qui sont les conséquences de ces faits.

Les principes de la physique sont les suivants : 1° La même quantité de matière persiste dans l’univers. Ce principe n’est pas une loi établie par l’expérience, qui ne porte que sur de petites quantités de matière, non sur tout l’univers. Ce n’est pas non plus un axiome rationnel, par exemple une forme du principe de substance (Kant) ou une loi nécessaire de la pensée (Spencer), qui se refuse à concevoir l’anéantissement de quelque chose, ne pouvant penser le rien. Qu’est-ce donc ? une simple hypothèse, que l’expérience, il est vrai, confirme et qui est féconde, mais enfin une hypothèse. 2° La même quantité de force vive persiste dans l’univers (Leibniz). Ce principe, qui ne peut se ramener au précédent, n’est pas plus que lui prouvé rigoureusement par l’expérience ni par la raison. On paraît, à la vérité, le démontrer mathématiquement. Mais cette démonstration suppose des corps qui doivent remplir certaines conditions posées idéalement, et comment savoir si l’univers est un système mécanique de ce genre ? le principe en question n’est donc encore qu’une hypothèse. 3° Enfin, l'existence de l’éther, c’est-à-dire d’un fluide impondérable, inerte, extrêmement élastique, formé d’atomes, est un troisième principe. Il est à peine besoin d’en faire remarquer le caractère hypothétique.

Tels sont donc les principes de la physique moderne : ce sont de simples postulats.

Quant aux faits sur lesquels elle repose, ils rendent manifeste : 1° la corrélation qualitative des agents physiques. L’une de ces « espèces physiques » étant donnée, mouvement, chaleur, lumière, magnétisme ou électricité, les quatre autres en peuvent résulter directement ou indirectement. 2° Mais l’expérience prouve de plus la corrélation quantitative de deux de ces forces : la chaleur et le mouvement (travaux de Mayer, Joule et Hirn). Une unité de chaleur se substitue partout et toujours à 425 unités de travail. C’est sur cette découverte