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Quant à la mécanique, elle comprend, on le sait, deux parties, l’une qui a pour objet le mouvement ; c’est la cinématique ; l’autre qui a pour objet la force, c’est la dynamique. La géométrie, on l’a vu, suppose déjà le mouvement, par lequel s’explique la génération des figures géométriques ; mais dans la cinématique intervient une notion nouvelle, celle de temps. Le temps, qui résulte, comme l’espace, d’une intuition a priori, n’est pas par lui-même figurable, mais on peut, l’assimilant à l’espace, le figurer par une ligne. — D’après ces données, l’auteur, supposant deux mobiles qui se meuvent, l’un sur la ligne de l’espace, l’autre sur celle du temps, construit ingénieusement le « schème du mouvement uniforme » ; on peut de même, ajoute-t-il, construire a priori le schème du mouvement varié. Mais dans tous les cas, il est visible que le rôle de l’expérience est à peu près nul et qu’on peut assimiler la connaissance des notions fondamentales et la cinématique aux connaissances géométriques.

Reste la dynamique. Elle repose sur le principe de l’inertie. Quelle est la valeur de ce principe ? Est-ce une loi de la raison ? Non : la raison en concevant le mouvement varié, n’affirme ni que la cause de la variation est due au mobile, ni qu’elle est due à une cause extérieure. Entre ces deux cas également possibles, la raison demeure indifférente. D’autre part, le principe de l’inertie n’est pas une généralisation de l’expérience. L’expérience nous apprend que les corps tombent et à quelles conditions leur chute est soumise, mais elle ne nous apprend pas s’ils sont inertes ou non. L’inertie n’est donc qu’une hypothèse, et le principe d’inertie n’est rien de plus qu’un postulat.

Mais il y a dans la dynamique une autre notion capitale, qui est celle de force. Qu’est-ce que la forcé en dynamique ? il est aisé de se convaincre qu’on entend par là toute cause capable de produire ou d’empêcher un mouvement. Que l’on mesure la force, en prenant le produit de la masse par la vitesse, ou qu’on l’exprime en kilogrammètres, ou qu’on l’assimile à la pesanteur et qu’on évalue la pression que les corps exercent sur les obstacles qui les empêchent de tomber, la force consiste toujours dans une « tension qui agit sur un corps pour modifier son état de mouvement ou de repos. » (M. de St-Robert, Revue scientifique, avril 1872.) Mais une tension n’est-elle pas un effort ? et l’effort n’implique-t-il pas la monade ? cette conclusion dynamiste serait illégitime, car la monade est un point réel, le point de la dynamique est abstrait ; la monade est un centre de force ; le point matériel, que considère la mécanique rationnelle, est au contraire inerte par soi-même ; la force lui est en quelque sorte attelée ; c’est, en un mot, un « centre d’application de force » et non un « centre de force ». — Ainsi donc la mécanique, se bornant à définir la matière : ce qui reçoit le mouvement, et la force : ce qui le donne, laisse pendante la question de l’essence de la matière et de la force.

Laissons donc les sciences rationnelles et voyons si les sciences expérimentales ne nous donneront pas plus de résultats.