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analyses. — dauriac. Notions de matière et de force

de la faculté d’interpréter les signes, permet de constater jusqu’à quel point existe cette identité des choses avec le moi. — De là, on le voit, résulte immédiatement un dynamisme pour lequel toutes les choses, en vertu de l’identité qu’elles présentent avec l’âme humaine, sont essentiellement des principes d’énergie, simples, inétendus, actifs, ayant un minimum de conscience, mais privés de réflexion.

Reste à essayer la vérification expérimentale de cette théorie ; pour cela il faut consulter l’une après l’autre les sciences de la nature.

Toutefois, avant d’examiner les sciences de la nature proprement dite, c’est-à-dire les sciences expérimentales, l’auteur juge à propos d’interroger les sciences mathématiques, qui rendent les premières possibles, et qui d’ailleurs, ayant pour objet le nombre, l’étendue, la figure, le mouvement, ne sauraient être négligées dans cette enquête sur la matière et son essence.

Considérons d’abord la science des nombres. L’idée de nombre ne vient pas de l’expérience externe : une origine purement empirique n’expliquerait pas la nécessité et l’universalité des propositions arithmétiques. Cette idée est donc une catégorie de l’entendement. Seulement, la source première en est dans la conscience. Car, en nous faisant saisir l’unité dans le moi lui-même, la pluralité dans ses phénomènes, la totalité, soit dans la série continue qu’ils forment, soit dans ces sortes de faisceaux que composent les faits internes qui concourent à une même fin, la conscience nous fournit les éléments du nombre. Néanmoins, pour achever d’en élaborer le concept, l’expérience externe est nécessaire. C’est elle qui nous fournit, par une intuition a posteriori, l’idée de mouvement. Dès lors, nous pouvons, par un mouvement idéal, diviser l’espace (que nous donne l’intuition a priori) et le mesurer. Puis, l’esprit arrive à concevoir les rapports et les propriétés des nombres, abstraction faite de toute application à un objet spécial d’intuition interne ou externe. — Ainsi le nombre est une catégorie. Il s’affirme de la matière comme de tout objet de pensée. Le nombre n’est donc pas une qualité de la matière, et la science des nombres est indépendante des sciences de la nature.

Passons à la géométrie. Les notions géométriques ne s’expliquent ni par la doctrine empirique, ni par celle de l’innéité. Ce sont, comme le veut Kant, des connaissances par construction de concept. Elles résultent de l’activité de l’entendement qui, dans l’espace donné a priori, conçoit un mobile, dont le mouvement engendre les figures géométriques. La notion de mouvement étant dérivée de la perception des objets mobiles, l’expérience externe a ici quelque part. Mais si nous lui empruntons de quoi construire les figures, c’est l’esprit seul que nous chargeons de ce soin ; et d’ailleurs, quel rapport peut-on établir entre l’étendue géométrique, qui n’est qu’étendue et figure, et cette autre étendue, résistante, impénétrable, lumineuse, sonore, qui est celle des choses concrètes ? La géométrie ne peut donc prétendre au titre de science de la nature.