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forcés de reconnaître eux-nnêmes que, pour légitime que soit cette quantification, elle n’en modifie pas moins en général profondément le sens et la portée des propositions du langage ordinaire.

Ce n’est pas sans une raison sérieuse que le prédicat a été dénommé grand terme, comme si son extension devait toujours être supposée plus grande que celle du sujet. C’est qu’en fait, si, pour s’entendre soi-même, on est obligé de déterminer dans sa pensée, avec une certaine précision, l’extension du sujet dont on parle, cette obligation n’existe pas pour le prédicat, et que là il y a une réelle indétermination.

Soit par exemple la proposition : Quelque homme est vertueux. Si je veux quantifier le prédicat, je puis bien, en y réfléchissant, dire qu’en somme la vertu n’appartient qu’à l’homme ; que, par conséquent, vertueux est espèce du genre homme. Je me considérerai donc comme autorisé à dire : Quelque homme = tout vertueux. Mais, sur la proposition donnée, j’ai tout aussi bien le droit d’attribuer le prédicat vertueux, par analogie ou par métaphore, à d’autres êtres réels que l’homme, ou encore à des êtres absolument hypothétiques. Dans ce cas, je dirai : Quelque homme est quelque vertueux.

Cet exemple montre assez que le fait de déterminer avec quelque précision l’extension que l’on veut donner au prédicat, comme il est d’ailleurs nécessaire, si l’on veut pratiquement convertir la proposition, que ce fait, dis-je, modifie sérieusement la portée de cette proposition. Aussi ne faut-il pas s’étonner si tous les systèmes fondés sur la quantification, quels que puissent être d’ailleurs leurs avantages à d’autres points de vue, s’écartent notablement d’une représentation fidèle du langage ordinaire.

Je me suis proposé de constituer au contraire un symbolisme qui fût calqué sur ce langage, et qui, par conséquent, pût être appliqué à la théorie du syllogisme de l’école.

La condition de rejeter le symbole de l’égalité et d’adopter par suite celui de l’inégalité, étant reconnue nécessaire pour obtenir le but proposé, je n’ai d’ailleurs eu qu’à faire appel à la représentation des relations de deux notions logiques entre elles par l’intuition des relations de position de deux cercles dans un plan.

Cette représentation, qu’Hamillon (Logic. Lect. XIV) signale déjà dans le Nucleus Logicæ Weisianæ (1712), ouvrage posthume de Christian Weise, a été, comme on sait, développée complètement et appliquée, avec figures, à la théorie du syllogisme, par Euler, dans les célèbres Lettres à une princesse d’Allemagne.

Deux cercles dans un plan, en écartant le cas singulier de tangence, peuvent être intérieurs ou extérieurs l’un à l’autre, ou enfin se couper.

Un cercle S intérieur à un cercle P représente nettement à l’imagination la relation de l’espèce S au genre P qu’on énonce par la proposition universelle affirmative :


(a)——————Tout S est P.


Deux cercles S et P extérieurs l’un à l’autre représentent tout aussi