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paulhan. — la théorie de l’inconnaissable

être conçu que par son opposition, sa relation avec le relatif ; c’està-dire encore que l’absolu ne peut être conçu que comme relatif.

De tous les côtés, nous sommes amenés à dire que l’absolument absolu est complètement inconcevable.

D’après M. Spencer, une conscience vague de l’absolu peut s’obtenir en supprimant par la pensée toutes les conditions auxquelles est soumis l’objet de la pensée. Sans doute, si cela pouvait se faire, on pourrait arriver à une conscience vague de l’absolu, mais c’est complètement impossible. On ne peut supprimer toutes les conditions auxquelles est soumis l’objet de la pensée ; il y en a une qui demeurera toujours : cette condition, c’est que l’objet est pensé, quelque vaguement qu’il le soit. Cette condition suffit pour que l’objet pensé soit connu relativement, et sans elle la pensée n’existerait plus.

La conception du relatif disparaît, dit M. Spencer, dès que notre conception de l’absolu n’est plus qu’une pure négation. Notre conception du relatif disparaîtrait ; sans doute, si toute conception de l’absolu disparaissait, mais notre conception du relatif demeure si l’on met le relatif en corrélation avec un absolu qui n’est absolu que par rapport à lui, et non avec un absolu qui n’est que la négation des conditions sous lesquelles la pensée est possible, comme le veut sir W. Hamilton.

L’illimité, l’infini donne lieu, d’après M. Spencer, à un mode particulier de conscience. Le concept négatif est donc quelque chose de plus que la négation du positif ; sans quoi, on pourrait penser l’illimité comme antithèse du divisible, et l’indivisible comme antithèse du limité. L’illimité et l’indivisible sont donc positifs et réels.

La difficulté disparaît quand on analyse les idées de l’infini, de l’illimité, de l’indivisible. « Notre notion du limité, dit H. Spencer, se compose premièrement d’une conception d’une certaine espèce d’être, et secondement d’une conception des limites sous lesquelles elle est connue. Dans son antithèse, la notion de l’illimité, la conception des limites est abolie, mais non celle d’une certaine espèce d’être. » Nous avons donc une conception vague d’une certaine espèce d’être auquel nous n’attribuons point de limites. Est-ce à dire que nous affirmons que cet être n’a en réalité aucune limite ? Non ; nous affirmons seulement que nous ne pouvons assigner des limites à cet être, que nous ne pouvons savoir s’il en a. Nous ne pouvons pas davantage affirmer qu’il n’en a pas, car, pour affirmer cela, il faudrait être capable de concevoir un objet infini dans toute son étendue, ce qui est contradictoire. Nous obtenons ainsi des conceptions comme celles de l’espace, du temps, etc. ; nous n’assignons