Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, VI.djvu/277

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
267
grote. — classification nouvelle des sentiments

1° La différenciation des sensations ou des fonctions de l’organisme qu’elles traduisent.

2° La différenciation des idées ou des fonctions de la pensée, qui leur correspondent.

La première peut être mieux déterminée que la seconde, car elle correspond à la différenciation physiologique des organes de la réceptivité immédiate ou périphérique qui est bien mieux étudiée, et connue dans la science, que celle des organes de la réceptivité centrale ou médiate qui est en rapport avec la différenciation des phénomènes du jugement. Nous nous bornerons donc pour le moment, en attendant le progrès de la physiologie des centres, à esquisser la différenciation des sentiments qui correspond à celle des sensations :

1° Les plaisirs et les peines qui accompagnent la nutrition se divisent en autant de classes qu’il y a d’organes qui prennent part à cette fonction, et qu’il y a d’espèces de fonctionnement propre à ces organes. On peut distinguer, par exemple, les plaisirs du goût de ceux de l’estomac (plaisir qui suit la satiété), les peines de la faim de celles de la soif, etc.

2° Les plaisirs et les peines qui accompagnent la respiration se distinguent de la même manière, car les émotions de l’odorat sont différentes de celles qui sont liées à la respiration proprement dite.

3° Les émotions tendres se divisent en deux classes principales, selon qu’elles ont rapport à l’organe commun du contact animal (organe du toucher), — émotions de la sympathie, de la fraternité (Bain), qui servent de bases à l’amitié, et en partie aussi à la pitié et à l’amour paternel ; ou à l’organe spécial de ce même contact (organes sexuels), ce qui constitue les émotions de l’amour sexuel pour l’homme, de l’amour sexuel et de l’amour maternel pour la femme[1].

4° Les émotions de l’activité se divisent en autant de classes qu’il y a d’organes différents de mouvement et d’espèces de mouvements propres à ces organes. On peut distinguer, par exemple, les plaisirs et les peines de la marche, de la course, de la danse, de l’équitation, des plaisirs et des peines de l’escrime, de l’action de ramer, etc.

5° Les émotions esthétiques appartiennent à deux classes principales, selon qu’elles dépendent des sensations de la vue ou de l’ouïe.

« The Eye and the Ear are the great avenues to the mind for the aesthetic class of influences, » dit Bain[2]. Du reste on peut encore

  1. L’amour de la mère pour un enfant nouveau-né peut être comparé aux sensations agréables et désagréables qu’un invalide croit éprouver dans un pied qu’il n’a plus : l’enfant vient d’être aussi un membre de l’organisme de sa mère.
  2. Loc. cit., p. 226.