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compayré. — la psychologie de lamarck

espèces de matière, » Lamarck prétend expliquer les actes de l’entendement. L’organe nécessaire pour la formation des idées, nous l’avons déjà dit, c’est l’hypocéphale. La diversité réelle, mais difficile à concevoir, des parties qui. le composent, et aussi la variété des mouvements du fluide nerveux, telles sont les causes de toutes nos opérations intellectuelles. L’hypocéphale, comme toutes les parties du système nerveux, est par lui-même passif : mais il n’en a pas moins un rôle important dans la production des idées. Il est comme un musée où se gravent et se conservent les images des objets. Quant au fluide nerveux, quelque subtil qu’on le suppose, comment peut-il produire les merveilles de l’intelligence, cette multitude étonnante de phénomènes ? À cette question Lamarck répond : « C’est la composition de l’hypocéphale qui explique cette merveille. » En d’autres termes, comme les physiologistes modernes, Lamarck admet qu’il y a dans le cerveau un nombre énorme de parties distinctes qui peuvent chacune correspondre à un souvenir, à une idée. Convaincu qu’il y a une multitude inconcevable de fibres et de cellules nerveuses, « une quantité innombrable de cavités » infiniment diverses entre elles par leur forme et leur grandeur, il localise chaque phénomène dans un lieu particulier. Comme Gall, il croit que les organes particuliers de chaque faculté se développent par l’exercice, que les dimensions de l’organe trahissent la force de la fonction ; mais il reconnaît que Gall « a abusé de son principe dans la plupart des conséquences qu’il en tire ». En résumé, des sièges organiques distincts, des mouvements nerveux, des courants infiniment diversifiés, voilà les éléments de l’intelligence. N’est-il pas vrai que Lamarck, en adoptant ces principes de mécanique intellectuelle, a trouvé les deux idées fondamentales qui ont servi à former le tissu de la physiologie matérialiste du xixe siècle ?

Il y a deux sortes d’idées, les idées simples et les idées complexes. L’idée simple dérive directement de la sensation, non pas de toute sensation pourtant, de la sensation remarquée. L’organe de l’intelligence en effet ne recevra l’image ou les traces de la sensation, qui lui sont apportées par le fluide nerveux, que s’il y est préparé par l’attention. L’attention est même deux fois nécessaire. En premier lieu, c’est seulement si l’attention est éveillée que le fluide nerveux pourra imprimer sur quelque partie appropriée du cerveau les traits caractéristiques de la sensation, c’est-à-dire de l’ébranlement particulier que la sensation a produit en lui. En second lieu, il faut encore le concours de l’attention pour que le fluide nerveux, ayant gravé dans la substance nerveuse telle ou telle empreinte, rapporte au sentiment intérieur, pour l’y rendre consciente, l’image