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grote. — classification nouvelle des sentiments

chose d’autre que le plaisir ou la douleur. Ces deux modes d’affection peuvent se neutraliser ou prendre des proportions si minces que la conscience n’est plus en état de déterminer le caractère de l’émotion, mais dès qu’il s’agit d’un phénomène de la sensibilité, il est nécessaire qu’il contienne une portion quelconque ou une combinaison quelconque du plaisir et de la peine. Il faut donc savoir déterminer seulement les cas, où la présence d’un de ces éléments n’est pas encore une raison suffisante pour reconnaître que l’agrégat en question est un état de la sensibilité, et ce n’est précisément qu’en trouvant l’élément qui prédomine que nous pouvons dissiper nos doutes. Or, il est à remarquer que les moments postérieurs de la conscience ont toujours une prédominance marquée sur les moments qui précèdent, et c’est ainsi que les termes des passions qui contiennent une idée claire de quelque désir ou de quelque mouvement ne peuvent indiquer que très-rarement des états de la sensibilité dans le sens propre de ce mot, et qu’au contraire les termes qui indiquent des faits de connaissance, associés à l’idée d’une émotion, doivent être regardés comme appartenant au domaine de la sensibilité. Ceci nous explique entre autres l’origine des théories qui font dépendre le plaisir et la peine d’un phénomène intellectuel ou d’un jugement[1], car la plupart des sentiments composés contiennent des éléments idéaux.

Nous nous croyons donc autorisé, après ce qui vient d’être dit, à nous restreindre à l’analyse des associations où il ne s’agit que de l’union des phénomènes de la, réceptivité, subjective et objective. Les agrégats qui contiennent un moment actif bien marqué appartiennent plutôt au domaine des actions de l’âme, subjectives et objectives. Traçons le plan de l’examen que nous voulons faire. Nous allons considérer :

1° L’association des émotions simples avec les sensations qui les précèdent et les accompagnent, et les idées immédiates qui en naissent.

2° L’association des émotions simples avec les idées qui sont fondées sur le jugement et les actions constructives de la pensée.

3° L’association des émotions simples entre elles.

Ce sont là les associations élémentaires qui servent de modèles à toutes les autres associations encore plus complexes. Car, on pourrait parler des mêmes modes de complication des émotions déjà composées, en tant qu’elles peuvent devenir encore plus complexes en s’associant à de nouvelles sensations, à de nouvelles idées, etc. ;

  1. Compt. Dumon, Théorie de la sensib., prem. partie, chap. p. ii, 36-48.